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Qu'est-ce qu'être...
ANARCHISTE
en 2020

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(Entretien avec Valtras – Toulouse le 15/11/‎‎2018)

 

Je ne suis pas né Anar.

Je suis fils de prof donc d’une classe moyenne. Mes deux parents sont immigrés Espagnol (moi je suis né en France). Mon père a un vrai rejet de ses origines prolétaires. Notamment, vis-à-vis de mon grand-père paternel qui était ouvrier agricole. Mon grand-père maternel était ouvrier d’usine (Peugeot PSA anciennement Talbot) puis maçon. Mes grands-mères étaient, elles, sont femmes au foyer.

 

Quand j’ai commencé à m’éveiller politiquement, j’étais dans une classe moyenne éduquée, grandes études, grandes écoles et tout le bordel, et il y a eu 2002.

 

Il y a eu 2002 et la première fois que j’ai voté et que j’ai voté Vert on m’a dit que j’avais mal voté et que j’aurais mieux fait de voter PS. J’ai été obligé de voter Chirac au second tour. Je pense que comme beaucoup de jeunes de ma génération, ça m’a beaucoup marqué.

 

Le Pen, je savais qu’il ne fallait pas lui faire confiance. Je n’étais pas gaucho, plutôt social-démocrate. Enfin, c’est dur de se définir surtout à 18 ans quand tu n’es pas construit politiquement et plutôt protégé. J’ai été élevé avec beaucoup de satire politique autour de moi, beaucoup de Brassens, les Guignols, les Simpsons. Même si ce n’est pas très révolutionnaire, il y avait un gros regard critique sur la politique en général. J’ai toujours beaucoup écouté les hommes et les femmes politiques. C’est un truc qui m’a très vite fasciné, notamment sur la manière dont ils arrivaient à mentir aux gens sans que personne ne s'en rend compte.

 

Après 2002, j'ai commencé à me mobiliser assez vite avec les mobilisations étudiantes, notamment à l'époque de la réforme Licence-Master-Doctorat. Je me suis pas mal mobilisé à la fac (après avoir tenté de monter un syndicat dans mon école d’ingénieurs où ça s'est très mal passé et je suis reparti de zéro en fac). Je me suis retrouvé avec que des redoublants et quasiment que des fils et filles de prolo, ce qui n'était pas vraiment mon milieu d'origine et en tant que redoublant, je suis passé des plus jeunes aux plus vieux en une année.

 

La réforme Licence-Master-Doctorat également désignée réforme LMD désigne un ensemble de mesures modifiant le système d’enseignement supérieur français pour l’adapter aux standards européens de la réforme BMD.

 

Elle met en place principalement une architecture basée sur trois grades : licence, master et doctorat ; une organisation des enseignements en semestres et unités d’enseignement ; la mise en œuvre des crédits européens et par la délivrance d’une annexe descriptive au diplôme.

 

2003 : En mars, un collectif d'une soixantaine d'étudiants composé de la CNT, du CUL (Comité universitaire de libération), de SUD Étudiant et de quelques individus tente d'occuper la Sorbonne. Ils réclament le retrait du LMD et l'autogestion de l'université. Le bâtiment est évacué sans encombre par les forces de l'ordre peu après 21 heures.

Novembre-décembre : Mouvement contre la réforme LMD-ECTS et le projet de loi Ferry sur l'autonomie des universités, plus de dix facs en grève et une trentaine « mobilisées ». Jusqu’à 30 000 étudiants dans la rue, le 27 novembre 2003 (journée d'action nationale à l'initiative de la Fédération syndicale étudiante). Le projet de loi est ajourné.

 

En 2003 mon père me fout à la porte en me disant en gros que j'avais fait le mariole dans mon école d'ingé et que maintenant je me démerdais par moi-même. Du coup je me retrouve en tant qu'étudiant salarié et là je découvre très vite ce qu'est le travail pour vivre. Avant ça, j'avais travaillé en manutention et dans le nettoyage industriel pour l'été. Par la suite, j'ai travaillé en tant que pion dans un lycée professionnel.

 

Là je me suis heurté à la véritable violence sociale et de ce que c'est de venir du camp des ouvriers et notamment aux fils d'ouvriers qui faisaient des BTS et des BAC STI. J'ai subi des agressions au couteau et des menaces de mort, du coup c’était une première expérience dans l'éducation nationale bien vénére mais j'y suis resté pendant 5 ans. L'année d'après je suis parti à Limoges avec pareil, une grosse ambiance ouvrière du coup je côtoyais des gens qui n'étaient pas très politisés mais qui avaient des opinions politiques relativement avant-gardistes ou en tout cas assez avancées par rapport à ce que je pouvais avoir.

 

En 2008, j'arrive à Toulouse, j'étais là pour finir mes études en informatique et enchaîner sur une thèse. Une fois que j'ai fini ma thèse, j'ai pris deux années sabbatiques pour essayer de passer l’agrégation de math. Je me suis ramassé comme il faut. Puis je me suis re-mangé deux années de pionniquat.

 

A ce moment-là j'étais un peu formé politiquement, on a essayé de monter un syndicat de pions mais le proviseur m'avait tellement dans le pif que ça n'a pas abouti. Du coup j'ai abandonné le pionnicat et de là j'ai trouvé un travail dans l’industrie où là je me suis inscrit dans un syndicat qui est la CGT et où parallèlement j'ai adhéré à la CGA.

 

Pourquoi la CGA ?

J'ai passé beaucoup de temps de ma vie à ne pas lire. Puis je suis tombé sur les écrits de Bakounine et Malatesta.

Proudon, Sebastien Faure, etc... Sont venus bien plus tard.

Ce qui m'a attiré dans l'anarchisme c'est le côté anti-autoritaire et anti-cléricale. J'étais quelqu'un de très rationaliste. Je suis allez jusqu'à côtoyer des milieux pas très "safe" du genre « Zététique », donc des gens qui ne sont pas contre les religions mais contre ceux qui croient avec une certaine violence et une oppression agressive. Une oppression que j'analyse aujourd'hui comme une oppression de petit blanc bourgeois mais qu'à l'époque je n'avais pas analysé comme tel.

 

La zététique est définie comme « l'art du doute » par Henri Broch, le terme d'art se comprenant au sens médiéval (ars) d’habileté, de métier ou de connaissance technique, en clair, de « savoir-faire » didactique qui permet la réflexion et l’enquête critiques.

La zététique est présentée comme « l'étude rationnelle des phénomènes présentés comme paranormaux, des pseudosciences et des thérapies étranges ».

La zététique est destinée aux théories scientifiquement réfutables, c'est-à-dire respectant le critère de discrimination de Karl Popper. De fait, contrairement aux autres mouvements sceptiques, elle ne pose pas la question des religions et des croyances non réfutables. Son objectif est la mise à l'épreuve d'énoncés pourvus de sens et de nature scientifique (c'est-à-dire réfutables selon Popper) dont les explications ne semblent pouvoir se rattacher à aucune théorie communément acceptée.

La zététique se réclame aussi du scepticisme scientifique, et plus généralement de la démarche de doute cartésien qu'elle décrit comme nécessaire en science comme en philosophie. Elle se veut, pour reprendre le mot du biologiste Jean Rostand, une « hygiène préventive du jugement »

 

Y avait-il une religion spécifiquement visée ?

Il n'y avait pas de religion ouvertement visée mais oui en gros ça finit par devenir de l’islamophobie. Tout simplement parce que ce n'est pas vendeur de se foutre de la gueule du catholicisme qui n'existe quasiment plus alors que quand tu tapes sur les musulmans, c'est beaucoup plus gratifiant pour toi. Du coup, j'ai commencé à m'éloigner de ce milieu-là et j'ai commencé à discuter pas mal avec mon frère sur ce qu'est l'anarchie et comment ça marche parce que j'étais très sceptique de tout ça. Je ne connaissais que les modalités de vote et de représentativités en assemblées représentatives, etc.

 

Et en fait, c'était le côté rationnel de l'anarchie qui m'a énormément attiré. Dans les écrits de Bakounine tu sens qu'il y a une vraie attache à partir des faits plutôt qu'à partir d'une idéologie. On observe les faits tels qu'ils sont et on essaye d'en tirer des conclusions et donc du coup de ces conclusions on en tire une idéologie. Une idéologie pour le coup qui m'attirait beaucoup, ce n'était pas une idéologie théorique mais de pratiques et où tu ne peux pas dissocier la pratique et l'idéologie.

Je ne me vois pas faire de l'anarchisme de bureau ou de penseur, de bouquins. Je suis content qu'il y ai des gens qui écrivent des bouquins mais je ne me sentirais pas de le faire.

 

Pourquoi la CGT et pas la CNT ?

La question s'est posée mais comme j'étais ingénieur, j'avais ce statut de « cadre », (alors que je n'ai jamais été chef de projets ou quoi que ce soit) du coup je n'ai pas pu rentrer à la CNT alors que je suis vraiment intéressé par l'anarcho-syndicalisme dans l'idée. Alors que je trouve que le syndicat corporatiste ce n'est pas une très bonne solution. Finalement je suis rentré à la CGT et j'y ai trouvé des camarades super intéressants et des débats et des modalités d'actions qui me conviennent. De toute façon, je trouve ça intéressant d'avoir une séparation de l'organisation anarchiste spécifique comme la CGA l'ai et le fait d'avoir un syndicat de lutte. Séparer les deux pour éviter que dans le syndicat d'autres courants politiques tentent de s'en accaparer le fonctionnement.

 

Du coup je veux bien faire l'effort de ne pas afficher mes couleurs anarchistes dans mon syndicat mais ça me permet aussi de critiquer ceux qui le font, notamment la France Insoumise.

 

Et concernant les CSR ?

Les CSR, je suis en contact régulier avec elles et eux, mais pour l'instant ; c'est plus une question de temps en fait. Depuis près de deux ans, j'ai aussi adhéré à l'UAT (Union Antifasciste Toulousaine) donc ça fait déjà trois terrains qui sont très prenant, du coup je ne me sens pas de rentrer dans les CSR et de ne pas y faire grand-chose.

 

Pour moi, il y a quelque chose de pratique. Si je rentre dans une orga. ce n'est pas pour me valoriser ou valoriser mon combat. C'est parce que j'ai envie et besoin de faire quelque chose dedans.

Ce qu'il faut savoir sur le CSR, c'est que ce ne sont pas des libertaires, ou autres, ce sont des révolutionnaires. Ils veulent revenir à ce que le syndicalisme était avant que les sociaux-démocrates et le PCF le vampirise et en face un outil de négociation avec le patronat. Je ne pense pas que ce soit une question de couleur politique mais plus une question de modalité d'action. Après, je n'en fais pas partie, je ne vais pas aller plus loin que ce que je pense.

 

Comment tu t'es construit ?

J'ai reçu une formation accélérée sur l'anarchisme parce que 2 mois après avoir adhéré, j'ai fait les premières réunions fédérales dans un groupe de deux personnes à Toulouse.

 

J'ai pris une grosse claque surtout sur mes positions idéologiques qui n'étaient pas super carrées notamment sur la question de religions et de qui on combat quand on combat les religions et donc de ramener tout ça sur des questions institutionnelles et pas sur les croyant.e.s. Depuis je me suis bien calmé sur cette question parce que j'ai rencontré plein de personnes qui sont croyant.e.s et qui sont des camarades dans mon orga ou des camarades de lutte et du coup ça me semblait totalement débile et déplacé d'essayer de les faire chier sur cette histoire-là alors qu'il y a d'autre chose à faire. Et surtout, ce n'est pas parce que moi, je ne crois pas qu'on soit obligé de forcer les gens à ne pas croire, c'est aussi con que de forcer à croire.

 

Quand on vient me chercher sur la question, j'ai quelques arguments bien placés pour éluder la question. Je préfère qu'on parle de lutte des classes, de luttes anti-patriarcale et de luttes contre le LGBTQ-phobie qu'on ne se fasse pas chier à discuter sur un problème qui n’intéresse que les bourges.

 

Différents courants de l'anarchisme ?

Tel que je le vois, c'est plus une question d'époque. Pour moi, l'anarchie est une composante de la société qui existe parce que la société est autoritaire et capitaliste. L'anarchisme est le contre-courant d'une société capitaliste.

 

Donc c'est un courant ou un mouvement de la société. J'ai une analyse sociale de l'anarchie. En disant que tout le monde est un peu anarchiste comme tout le monde est un peu capitaliste parce qu'on ne peut pas vivre dans une société qui nous opprime à longueur de temps sans avoir à ouvrir notre gueule. Quand on a envie d'ouvrir sa gueule, d'une certaine manière on se sert toujours d'outils que propose le courant politique anarchiste avec un objectif d'émancipation.

 

Tu parles de courant politique anarchiste, ce n'est pas la même chose que l'anarchisme ?

(Quel est le contre-courant d'une société libertaire, est ce que ce serait toujours l'anarchisme (contre-courant du pouvoir en place) mais sous d'autre valeur ou un autre courant d'opposition ?)

Je ne distingue pas les deux parce qu'ils sont confondus, mais il y avait de l'anarchisme avant les anarchistes, avant que l'on se constitue dans un mouvement politique qui fait partie des individualistes. On peut remonter à des sociétés proto-anarchistes, donc avant l'anarchisme théorisé jusque dans le moyen-âge si on veut. C'est juste une grille de lecture qui permet de montrer que les personnes qui sont opprimées à un moment n'en peuvent plus et se rebellent contre leur oppresseur.

 

Ce sont les modalités d'actions qui vont être similaires ou identiques. Généralement des prises de décisions qui vont être faites collectivement, une reconnaissance au sein d'une classe (si on veut l'appeler comme ça) ou au sein d'un quorum de personnes qui se reconnaissent entre elles parce qu'oppressées par les mêmes connards du haut.

 

Je n'ai pas une analyse marxiste de ce courant-là. Marx, je m'en sers principalement pour de l'économie parce que la définition des classes est intéressante pour montrer qu'il y a une oppression spécifique de classe. Mais l'analyse de classe ne permet pas de montrer qu'il y a une oppression spécifique de genre ou une oppression spécifique de sexe ou de race.

 

C'est pour cela que Marx n'est pas suffisant pour moi, mais on peut reprendre la même méthodologie d'analyse pour démontrer et déconstruire d'autre forme d'oppression. C'est à ça que me sert l'anarchie. Ça m'aide à me rendre compte de ma position privilégié en tant que « blanc », « mec-cis » et « hétéro » et j'ai toutes les cartes en main pour être un gros oppresseur et du coup mon travail en tant qu'oppresseur c'est d'analyser tous ces mécanismes-là chez moi et dès les calmer ou à minima de me former pour éviter de faire subir une oppression et lutter en solidarité avec les personnes qui luttent contre ces oppressions.

 

Peux-tu me parler des grands courants qui existent dans l'anarchie.

Je connais principalement 3 grands courants :

 

  • Les anarcho-syndicalistes (que représente la CNT) partent de l'outil privilégié, qu'est le syndicat et qu'au sein du syndicat il faut œuvrer pour que ce soit le courant anarchiste qui soit moteur de la lutte syndicale. Du coup ielles confondent l'outil de lutte sur la question du travail et de l'émancipation vis-à-vis du travail et l'idéologie anarchiste. A savoir en gros l'autogestion.

  • Le second courant, l’autonomie ou les anarcho-autonomes. Très difficiles à cerner parce qu'il va pouvoir réunir aussi bien les Appelistes dedans. Les Appelistes qui ont répondu à l'appel de Coupa.

  • Ensuite il y a les Anarchistes Sociaux ou les Communistes-Libertaires. Les Communistes-Libertaires est le courant dont je me revendique. Notre travail est un travail de lutte généralement en solidarité et quand on en a la possibilité, à l'initiative mais toujours dans l'optique révolutionnaire et de fédérer autour de nos idées et surtout autour de nos pratiques.

 

Quand je vais dans des réunions et qu'il n'y a pas de tour de parole, je vais insister pour qu'un tour de parole soit mis en place, qu'il soit respecté et minuté, que les prises de positions soit située à savoir si elles sont de la part de mandaté.e.s ou si c'est la personne qui parle en son nom. En tout cas, moi, je vais le faire pour justement inciter les personnes à se saisir des outils d'auto-gestion dans un premier temps. D'un point de vue politique ça va être de faire autant que possible, pas de compromission avec l'état, pas de compromission avec les patrons, pas de compromissions avec les oppresseurs quel qu’ils soient et essayer de proposer des outils populaires et d'organisation par la base.

 

Communistes-Libertaires ou anarchisme social ?

C'est plus par quel biais tu arrives à l'anarchisme.  Anarchisme social, c'est que tu étais anarcho-autonome et tu t'es rendu compte qu'à un moment il y avait une limite à l'organisation par l'entre soi et l'affinitaire puisque c'est beaucoup comme ça que fonctionne l'autonomie. La confiance s'acquiert non pas par la reconnaissance de similarité de point de vue et similarité d'opinions et de modalité d'action mais par une reconnaissance d'affinité, on est pote avant de militer ensemble. Chez les anarcho-autonomes, il va y avoir une limite à cette modalité d'organisation parce que quand on est plus « pote », qu'est-ce qu'on fait ? Et quand tu vas vers des formes d'organisations beaucoup plus autogestionnaire tu te revendique d'anarchiste social si tu viens des anarcho-autonomes.

 

Les communistes-libertaires c'est plutôt ceux qui arrivent du côté marxiste. C'est qu'ils vont avoir d'abord une analyse marxiste de la société voire une vision autoritaire de la prise de pouvoir dans la société, qui vont se rendre compte des limites et des dangers que ça représente et du coup qu'ils vont plutôt aller vers des outils autogestionnaires. Du coup ce courant-là, se réunit au sein de l’appellation Communistes-Libertaires. En tout cas, c'est comme ça que c'est théorisé dans pas mal de bouquins. Le dernier en date (ça c'est une référence que j'ai lu il n'y a pas très longtemps) c'est la Fédération Anarchiste de Rio de Janeiro (FARJ) qui a produit un bouquin-programme qui s'appelle « Anarchisme social et organisation (https://fr.theanarchistlibrary.org/library/federacao-anarquista-do-rio-de-janeiro-anarchisme-social-et-organisation) ». Dans ce bouquin, il développe cette notion-là. Qu'est-ce que ça représente pour eux l'Anarchisme social et comment ils le mettent en œuvre notamment en partant des travaux qu'avait fait la Fédération Anarchiste d’Uruguay (FAU). Ils avaient des références au niveau de l'Europe mais pas une vision Européo-centrée mais en les mettant en pratique directement avec leurs réalités du terrain. C'est un mouvement naissant, mais qui malheureusement a pris un grand coup dans la gueule avec l'élection de Bolsonaro, mais les camarades sont mobilisé.e.s sur la question et ne vont pas lâcher le truc.

 

Lien : communiqué de la confédération anarchiste du Brésil – traduction de la CGA

dont fait partie la FARJ : fédération anarchiste de Rio de Janeiro qui ne compte pas s'écraser devant Bolsonaro.

 

Anarcho-syndicalisme. Pour moi c'est un peu à part. Déjà parce qu'il est toujours vivant (rires), ça peut paraître anachronique par rapport aux réalités de terrains. Quand tu vois la profusion de fédération anarchiste qu'il y a en France. Il y en a quand même 4. La FA (Fédération Anarchiste), la CGA (Coordination des Groupes Anarchiste), Alternative Libertaire et l'Organisation Anarchiste.

 

C'est 4 organisations anarchistes sont organisées de façon fédérale. Je mets de côté l'OCL (Organisation communiste libertaire) qui est quasiment inexistante au niveau fédéral. Ils ont un journal plutôt bien foutu qui est Courant Alternatif.

 

La FA est plus proche du courant Anarcho-autonome ou en tout cas plus proche des anarchistes historiques donc pas tout à fait organisée de la même manière que nous pourrions le faire à la CGA.

 

Par exemple, sur les prises de décisions à la FA, c'est à l'unanimité, au consensus alors qu'à la CGA il n'y a pas cette modalité de prise de décision. C’est en fonction des sujets. Par contre, au niveau de l'autonomie, ils ont bonne presse. Pas par tout le monde évidemment, beaucoup craignent les anarcho-autonomes depuis les black-bloc en manif mais on voit la résurgence de la propagande par le fait dans la volonté d'aller se castagner avec les keufs et aller péter des vitrines, etc.

 

Pour moi je les considère comme un mouvement anarchiste, ce ne sont pas des ennemis, en revanche, c'est clair qu’on n’est pas identifié comme allié du courant autonome. C'est quand même emmerdant. Pour certain autonome, l'organisation c'est déjà une forme d'oppression. Ce que je réfute complètement. Parce qu’elleux aussi sont organisé.e.s même si ielles le sont de manière affinitaire, ielles sont bien obligé.e.s de s'organiser de manière horizontale.

 

Après c'est un débat sans fin et qui existe depuis toujours et qui détermine les deux grands courants. A mon avis, ce courant est le plus nombreux à Toulouse. Mais ielles vont être mobilisé.e.s sur des questions bien précises et de manière très sporadique. Ils n'ont pas de continuité d'actions sur le terrain comme nous pourrions le faire à la CGA. Nous sommes présents sur un peu tous les sujets de luttes depuis plus de 4 ans de façon régulière.

 

Pour ce qui est du courant anarcho-syndicaliste, malheureusement, je pense qu'il crève en même temps que le mouvement syndicaliste. Il y a une défiance envers les syndicats et le mouvement anarcho-syndicaliste a pris cher de ce niveau-là.

 

En Espagne, tu as deux syndicats qui se revendiquent anarcho-syndicalistes. Il y a la CGT et la CNT.

La CNT France n'a pas de lien historique avec la CNT espagnole. Ce ne sont pas des militant.e.s espagnols qui ont monté une CNT en France. Elle s'est montée à côté.

 

Ce qui se passe en ce moment avec les communistes libertaires est très intéressant car à ma connaissance, c'est la première fois qu'il y a une jonction dans le courant communiste libertaire. On dit que généralement dans l'histoire de l'anarchisme, c'est l'histoire de scission (rires) et pour une fois on arrive peut-être à se mettre d'accord. Pour le moment ce n'est pas fait, il y a des sujets qui restent tendus, mais je pense que ça se fera. Vu le peu que l'on est, si on veut avoir un poids politique en termes d'organisation, il va falloir qu'on s'unisse.

 

Libertaire ou anarchiste ?

Je n'ai jamais compris la différence profonde. Je pense que pour pouvoir agréger un maximum de monde on est obligé de donner des termes spécifiques. Je pense que c'est un truc d'image. Je me revendique anarchiste, mais je n'ai aucun problème à dire que je suis communiste libertaire. Moi je m'en fou. Je lutte pour que l'on en finisse avec les oppressions et j'y mettrais ma vie à faire ça.

Je suis convaincu et j'ai toutes les preuves pour dire que c'est la bonne marche à suivre pour éviter les erreurs du passé et de ne pas faire chier ceux qui font partie de notre camp.

 

Quelles sont les limites que tu t'imposes ? Tes modalités d'actions ?

Mes modalités d'actions : la grève générale évidemment. Une grève générale, c'est durant un instant T, une inversion du rapport de force. Quand la force de travail dit « Stop, on arrête tout et on stoppe les machines tant que vous ne viendrez pas à la table des négociations ». Mais après il y a tout une mystique de « grand soir » où, une fois qu'on aura fait la grève générale, on aura vaincu le capitalisme. Je n'y crois pas du tout. Je ne pense pas que la révolution se fasse en 1 jour, ni en 3 ou 5. Je pense que c'est un procédé qui se fait sur la durée.

 

Je ne crois pas non plus que c'est parce qu'on aura vaincu le capitalisme qu'on aura vaincu les oppressions de sexe, de genre ou de race. Je suis plutôt proche de l'intersectionnalité pour cette question-là. En gros, je me dis que ce sont des oppressions spécifiques qui peuvent être liées dans certains cas ou qui peuvent être complètement séparées dans d'autres.

 

Ce qui m’intéresse est d'en finir avec toutes ces oppressions d'un coup (c'est une temporalité qui est forcément longue), on a toute la vie de l'humanité pour résoudre ces questions-là mais il faut qu'on agisse dès maintenant.

 

En termes de modalité d'action, les manifs, la propagande évidemment. C'est-à-dire expliquer notre point de vue, être capable de l’expliciter sans forcément utiliser des termes galvaudés ou des termes complexes pour le commun, que les gens se perdent dans des allitérations et des conneries. Moi-même j’emploie des termes vachement complexes quand je parle avec des militant.e.s aguerri.e.s, mais quand je parle avec des camarades qui ne sont pas forcément expert.e.s sur des questions pointues je veux vraiment que l'on ait un discours le plus ouvert et le plus simple possible. Non pas pour convaincre les gens, mais pour essayer de leur faire comprendre ce que nous essayons de proposer.

 

Ça peut être des actions violentes, des occupations, de la séquestration de patrons... Les seules limites que je me pose pour l'instant, ce sont les limites qui me concernent. Mais à partir du moment où l'on revendique certaines choses... je suis même pour l'action directe si y a besoin. Ce que font les camarades en Grèce, je ne peux que soutenir. Je ne peux pas imaginer ce que c'est que vivre dans leur état de merde actuellement. Je comprends qu'au bout d'un moment tu pète un câble et tu as envie de faire sauter des trucs.

 

Personnellement, je serai bien incapable de le faire, mais je serais bien mal placer d'aller faire des réflexions et de critiquer. La seule remarque que je pourrais faire, serait « attention, que ce ne soit pas la seule modalité d'action » et quand je vois les camarades en Grèce, non, ce n'est pas leur seule modalité d'action mais c'est celle qu'on voit le plus. Quand ielles occupent les bâtiments du gaz et qu'ielles effacent les dettes de tout le monde et qu'ielles balancent 50 000 tracts, c'est vrai que ça a de la gueule. Mais en vrai je sais qu'ielles font un énorme travail de social sur le terrain, qu'ielles sont solidaires de toutes les grèves et qu'ielles font un réel travail d'éducation populaire.

 

J'aimerai faire beaucoup plus d'éducation populaire. Je suis informaticien et je suis apeuré de la façon dont on se sert des machines. D'ailleurs on a laissé sur internet le terrain au pire facho de la pire espèce. C'est ce qui m’inquiète énormément, à savoir qu'on a pris 10 ans de retard sur ce terrain-là.

 

Comme moyen d'action pour moi il y a aussi l'organisation horizontale et la prise de décisions collective. C'est essentiel. Si on ne veut pas reproduire les erreurs de la Chine Maoïste, de la Russie Stalinienne ou de Cuba de Castro, il faut évidemment faire extrêmement attention à la prise de pouvoir autoritaire. C'est une composante du capitalisme de se servir de l'autorité pour pouvoir après convertir les plus révolutionnaires parmi nous vers des gens qui puissent nous faire avaler toutes les couleuvres qu'on veut. Je suis pour l'auto-organisation dans tous les cas de figures et pour le fédéralisme. En gros que les communes puissent se fédérer et puissent non pas décider en haut mais puissent voir à un plus haut niveau d'abstraction ou de prise de décision mais que les prises de décisions soient faites par la base. Toujours. Que les personnes ne soient pas représentantes mais mandatées au niveau des fédérations, porte leur mandat et rien d'autre.

 

Est-ce qu'il existé ce mode de fonctionnement ?

A la CGA c'est comme ça que l'on fonctionne. Ensuite il y a une forme qui s'en approche notamment au Kurdistan Irakien. D'après ce que les camarades qui y sont allés notamment au Rojava ou à Kobané, visiblement, le municipalisme libertaire, c'est un peu comme ça que ça s'organise. Au niveau local, ça s'organise, quartier par quartier, à l’échelle de la ville chaque quartier va avoir plusieurs mandaté.e.s (femme et homme) puis on va retrouver ce modèle de mandat au niveau de canton jusqu'à obtenir une fédération ou confédération.

 

A priori cela fonctionne dans un cas de guerre civile tout comme ça a fonctionné en pleine guerre civile en Espagne ou la Confédération National du Travail fonctionnait par mandatement à différents niveaux même des niveaux relativement bas. Non seulement au niveau local, mais aussi par des corps de métier spécifiques.

 

Dans « Le mouvement anarchiste en Espagne : Pouvoir et révolution sociale» de César M. Lorenzo. (Photo couv.) Il y a un super schéma d'organisation proposé par la CNT de l'époque sur, comment on organise le conseil économique confédéral. Et souvent les différents corps de métier qui sont proposés ont donc différents conseils proposés par corps de métiers, eux même se réunissent en sous chambre (sous mandatement). La logique est de participer à la vie collective et en même temps on participe à ce en quoi on est compétent mais rien ne nous empêche de changer de compétence à un moment donné et en fonction des besoins.

Comme souvent dans l'anarchisme, c'est que ça arrive dans les pires moments. C'est quand on est au bord du gouffre qu'on va se tourner vers l'anarchisme et quand tout va bien, on préfère laisser le capitalisme faire.

 

 

L'anarchisme est-il un courant plutôt réactionnaire ?

On ne peut pas vraiment dire ça de l'anarchisme. Ce n’est pas un mouvement de réaction parce qu'il est toujours existant même quand il n'y a pas forcément d'attaque forte sur le camp du travail ou sur le plan social mais c'est un mouvement qui est toujours là et d'autant plus visible que l'oppression est forte.

 

Pourquoi il est d'autant plus visible quand l'oppression est forte, souvent on est les premiers ennemis (et les cocos révolutionnaires) à éliminer s'il y a une montée au pouvoir autoritaire. C'est parce qu'on est un mouvement qui va contre cette forme de gouvernance. Par nos pratiques et par notre idéologie, on est dangereux pour eux et c'est pour cela qu’ils nous présentent comme dangereux.

 

Il y a une phrase que j'utilise régulièrement (c'est de la rhétorique complète et j'assume) « Il faut tout pouvoir de l'État, de l'Église, du patriarcat et du fascisme pour aller contre la volonté d'auto-organisation des individus ». Il faut toutes ces forces là pour aller contre l'entraide et la solidarité.

 

Qu'attend le peuple français pour se réveiller aujourd'hui sur la politique actuelle ?

C'est hyper violent de se rendre compte de tout ça. C'est une réelle prise de conscience. Quand tu te rends compte que toute ta vie on t’a menti, que t'es parents t’ont menti mais pas sciemment en plus et qu'elleux même se mentent à elleux même. Je ne veux pas passer pour un vieux conspi de merde, il n'y a pas de conspiration, c'est comme ça que la société réagit par ce qu'il y a un rapport de force permanent et là le rapport de force est en notre défaveur.

 

Du coup quand tu te rends compte déjà que tu ne fais pas parti du bon côté de la barrière et que malgré tout ce que tu pourras faire, même si tu te compromets, au mieux ce que tu vas faire c'est de faire encore plus souffrir celleux qui sont de ton extraction social.

Quand tu as pris conscience de ça, soit tu te tires une balle, soit tu t'organises. Mais quand tu t'organises, tu te rends compte de la masse de travail et que tu es dans une situation où tu te sens seul. Il y a un isolement complet.

 

Je ne pense pas qu’il faut dire aux gens qu'ils sont des connards s’ils votent Le Pen ou s'ils sont de droite, qu'ils votent contre leur camp social, qu'ils sont des ennemis de classe. Ça ne sert à rien, la seule chose que ça fait c'est de braquer les gens et après ils sont encore plus convaincus qu'il faut aller te casser la gueule. Moi je n'ai pas la vérité révélée, je continue à bosser sur plein de questions sur lesquelles je ne suis pas du tout au clair, cependant j'adore quand on me dit que je me trompe et qu'on me montre que je me suis gouré. Mais je ne vais accepter que des arguments qui vont être rationnels. Je ne vais pas me laisser avoir par des arguments fallacieux comme « tu comprends c'est comme ça depuis la nuit des temps. »

 

Il n'y a pas longtemps, je me suis pris la tête avec un petit coco qui commence à me dire (très existentialiste dans la question du pouvoir, post-modernisme à fond) en gros que le pouvoir a toujours existé et que ça fait partie de la société humaine. Je lui dis de le prouver, comment tu le prouve ? Parce que si on est capable de s'organiser autrement, ça veut dire que ce n'est pas le cas. Si on peut trouver des exemples dans l'histoire de l'humanité où il y a eu des moments où les gens n'étaient pas oppressés par un pouvoir avait une vie et existait pour de vrai, ça veut dire que le pouvoir n'est pas partout dans toutes les sociétés humaines.

 

Ça c'est un argument fallacieux de dire que ça a toujours existé et qu'il y a toujours eu des chefs.

Maintenant, clairement, je pense qu'il faut qu'on arrête d'être dans notre tour d'ivoire en disant qu'on a compris nous ».

 

Comment la mets-tu en pratique ?

Je ne dors pas beaucoup, je passe pas mal de temps à sticker, à faire des collages, à aller à des réunions qui me font chier, à aller à des rassemblements où il y a 30 péquins qui ont plus de 60 balais et de discuter et de les remettre en cause sur leurs a priori.

 

Je pense qu'il ne faut pas arriver comme des sachants mais pour discuter, présenter des arguments, après ielles en font ce qu'ielles veulent. On en a assez des gens qui nous bassinent toute la journée à nous dire qu'ils ont raison. On ne va pas se comporter comme le dernier des connards à dire comment faire. Surtout qu'on serait bien mal placé puisque notre objectif est de donner des outils et les gens en disposent.

 

Il faut arrêter de dire qu'il n'y a que nos modalités de fonctionnement qui sont les bonnes. Et quand bien même on le pense, ça ne veut pas dire qu'on peut les mettre en œuvre dès maintenant par ce que nous même dans nos propres organisations on n’est pas foutu de les mettre en œuvre.

C'est con mais j'ai trop de mandat typiquement. Mais parce que je suis quelqu'un qui est motivé et qui a du temps et qui a envie d'en faire et il y a des gens qui sont moins motivés ou qui ont moins de temps ou qui sont moins formés politiquement. Je pense qu'il faut vraiment qu'on redescende de notre pied d'estale.

 

Tu parles de formation politique.

Nous en interne on fait ce qu'on appelle des autoformations sur des thématiques. La dernière en date, c'était sur la gentrification.

 

En général il y a des gens qui sont ressources dans l'orga et qui proposent des grandes lignes et un ordre du jour et il y a un débat qui s'installe parmi les militant.e.s.

 

L'idée c'est que les personnes qui sont moins ressources arrivent avec des questions et les personnes qui sont ressources arrivent avec des réponses potentielles ou des références sur lesquelles se renseigner. Ça c'est sur la formation plus théorique.

 

Pour ce qui est de la formation pratique en gros quand on va avoir des mandaté.e.s dans des inter-orga, on essaie toujours d'avoir deux personnes. Une personne qui a l’habitude d'être mandatée sur ces questions-là et une personne qui ne l'est pas forcément mais qui a envie de se former.

 

C'est pareil au niveau fédéral. Quand on part en réunion fédérale on essaye toujours d'avoir un.e ou deux militant.e.s pas forcément formé.e.s à la question fédérale pour voir comment ça se passe avec un.e ou deux militant.e.s qui sont déjà formé.e.s pour pouvoir expliquer et que la transition se passe.

Idem sur les mandats en local. Genre secrétariat, trésorerie on essaye toujours d'avoir deux personnes. Une fraîchement arrivée et une personne plus expérimentée.

 

C'est plus de l'accompagnement, du tutorat sans avoir l'aspect autoritaire. C'est juste de l’accompagnement de personnes qui veulent se mobiliser sur des questions.

Pour ce qui est des actions politiques, je pense que chacun.e a ses modalités d'actions et peut en apprendre aux autres.

 

C'est plus sur des questions d'organisation, de théorie et d'explication sur pourquoi on ne bosse pas avec telle personne ou tel groupe. Après, les gens qui font partie de l'orga sont libres de faire ce qu'ils veulent. S’ils ne veulent pas participer ou s'ils veulent participer à des trucs que l'orga ne soutient pas nécessairement, personne ne va rien lui dire. Il n'y a pas de principe d'autocritique ou de machin comme ça.

 

Un jour j'ai croisé une camarade qui a été surprise de me voir à un rassemblement du DAL. Bhé oui, je n’aime pas trop le DAL mais en même temps ce qu'ielles font là, à savoir une occupation pour obtenir des logements pour des gens, évidemment que je vais soutenir. Ce n'est pas parce que je n'aime pas les modalités que je ne soutiens pas.

 

Tu me parlais du post-modernisme, qu'est-ce que c'est ?

Post-modernisme : de ce que j'en ai compris, les post-modernistes, sont du courant de Michel Foucaud sur ce qu'est le pouvoir et comment on définit le pouvoir.

Le postmodernisme en gros défendent le « pouvoir faire » et le « pouvoir être » et ce sont deux formes de pouvoir qui sont inhérentes dans les sociétés et que tout le monde à du pouvoir. Ce qui fait que c'est une attitude post-modernisme parce que l'attitude « moderniste » est une attitude matérialiste alors que le pouvoir est quelque chose qui sert à opprimer.

Eux ont une vision positive du pouvoir qui est du pouvoir d'action.

 

On m'a traité de post-moderniste parce qu’effectivement, on ne met pas la lutte des classes en avant. C'est une des formes d'oppression. On ne met pas de hiérarchie entre les différentes luttes. On considère que dans chaque cas il y aura une hiérarchisation d'elle-même par les personnes concernées.

 

Ça c'est considéré comme étant post-moderniste. Parce que certain.e.s considèrent du coup qu'on remet en question le pouvoir du capital. Non, c'est juste qu'on dit qu'il y a une intersectionnalité et que le capital ne fait pas tout. Ce n'est pas parce que l'on sera débarrassé du capitalisme qu'on sera débarrassé du sexisme et du racisme.

 

L’intersectionnalité, on se revendique de ce mouvement là mais on ne veut pas se le réapproprier. Je ne suis pas pour que tous les anars ou que tous les révolutionnaires se réunissent sous une même banderole. Ça me fait très peur ce genre de truc là. Je suis pour la pluralité d’opinions et la pluralité de modalité d'action. Je suis pour cette pluralité du moment qu'à la fin c'est l'anarchie (rires).

 

Quelqu'un qui s’intéresserait à l'anarchie aujourd'hui, sans lire de vieux textes et vieux bouquins, comment accéder à une lecture actualisée ?

Pour le coup, avec internet il y a pas mal de références.  Que ce soit la CGA ou AL qui sont assez présents sur les réseaux sociaux. Tu as tout ce qui est international avec « The Anarchist Library » (https://theanarchistlibrary.org/special/index), tu as AK library, je crois que ce sont les Black Crissys qui sont derrière ce truc là au Etats-Unis, il y a plein de bouquin.

 

Je ne pense pas que l'on rentre dans l'anarchisme par les vieux textes et les vieux textes sont critiquables sur plein d'aspects. Je prends ce qu'il y a à prendre chez Bakounine, mais je ne prends pas tout. Typiquement les points de vue antisémite ou sexiste, je les laisse de côté, je n'en ai rien à foutre. Il faut recontextualiser systématiquement dans l'époque et voir aussi qui parle. Parce que Bakounine ça beau être un gars de notre camp, ça reste un aristocrate. Marx, ça beau être un gars de notre camp, ça reste un bourgeois de naissance. Et c'est ça qui est intéressant dans le mouvement anarchiste, c'est que n'importe quelle personne qui s'en revendique et pratique une anarchie peut critiquer les grands auteurs en disant que « non tu as dit de la merde sur tel ou tel sujet ».

Il n'y a pas de hiérarchie chez les anars, il n'y a pas des gens intouchables. Proudon a pris une critique monumentale et Bakounine aussi notamment des anars afro-américains. Chez Bakounine il y a des trucs un peu tendancieux. Malatesta en a pris plein la gueule aussi et c'est normal, c'est comme ça qu'on fait évoluer notre théorie. Et notre théorie est basée sur le fait qu'il n'y a pas de chef donc on ne va pas avoir des gens intouchables et qui ont la vérité révélée dans un bouquin. Ça n'a pas de sens.

C'est un peu la différence avec le Communisme par exemple. Quand il y a un désaccord sur un point, ça fait une tendance. Nous, quand il y a un désaccord sur un point (en tout cas chez les communistes libertaires aujourd'hui en France), on reconnaît la minorité comme existante et, si majorité il y a, la minorité a possibilité de s'exprimer publiquement et en gardant sa spécificité. Parce que spécificité il y a et qu'on la reconnaît en local, ce n’est pas parce qu'on est en désaccord sur une position qu'on est en désaccord sur la plate-forme. On est plutôt platformiste sur cette question-là.

Spécifiste, plate-formiste, ce sont des sujets... pour moi ça embrouille plus qu'autre chose.

 

Ça fait partie du fonctionnement ?

Ouais, mais tu sais chez les anars c'est compliqué de distinguer le fonctionnement et l’objectif. Disons que le plateformiste dans un premier temps, on va présenter une plate-forme de revendications et de modalités d'actions et te proposer d’adhérer à la plate-forme si tu es d'accord avec les modalités d'actions. Pas forcément dans la totalité mais en essayant d'avoir un maximum de convergence sur ces modalités dans la plate-forme.

 

En gros la FA n'est pas plate-formiste. Dans le sens où tu as ce courant-là qui dit qu'il faut qu'il y ai des plates-formes, plusieurs plate-forme même pourquoi pas, par région, par pays par ce qu'elles vont traduire des réalités concrètes de terrain qui vont être spécifique aux groupes qui s'organisent sur un terrain ou dans un corps de métier. Des réalités de terrain et pas forcément qu'elle soit sur un lieu spécifique. Ça peut très bien être une réalité au niveau d'une fédération ou confédération.

L'autre approche est qu'il faut qu'il y ait qu'une seule fédération anarchiste qui réunit tous les anars. Anarcho-syndicalistes, anarcho-autonomes et communiste-libertaires et ça c'est plutôt ce qu'a tenté la FA.

 

Et ça personnellement je n'y crois pas. Ça n'est jamais arrivé et ça n'arrivera jamais. C'est un doux rêve qui au départ a été énoncé faute de connaître les réalités de terrain de chacun et chacune. C'est une évolution qui me paraît nécessaire dans le mouvement anarchiste c'est que tout ne s'applique pas de la même manière partout. Si on lutte contre l'autoritarisme, ce n'est pas pour imposer des trucs à tout le monde alors que ça n'a pas lieu d'être.

 

Si je ne dis pas de connerie, le plate-formiste vient de l’Amérique latine en revendiquant le fait que leur réalité n'était pas du tout celle de l'Europe et que le contexte est bien différent. Ielles ont une des plus puissantes forces impérialistes sur leur continent et ce n'est pas la même chose quand il faut s'organiser pour aller lutter contre ça.

 

La fédération fonctionne sur ce qu'il y a de commun et pas sur ce qui devrait être commun mais sur ce qui est commun de fait et qui peut évoluer pour aller dans un certain sens et qui va vers une convergence des pratiques et des théories. C'est plus le courant dont je me revendique même si à la CGA on n'est pas vraiment plate-formiste parce que c'est toujours compliqué en tant qu'orga sur un courant particulier de l'anarchisme. C'est encore un courant mais dans le communisme-libertaire aussi.

CGT : Confédération Générale du Travail

Qui sommes nous ? Le syndicalisme fait partie du patrimoine vivant de l’humanité et de la démocratie. Fait social devenu universel, il a d’abord émergé en Europe avec la révolution industrielle, et y est resté depuis profondément enraciné.

 

L’histoire plus que séculaire de la CGT s’inscrit dans cet ensemble. Née de la volonté des salariés de s’organiser collectivement et durablement pour défendre leurs intérêts face à l’oppression et à l’exploitation, pour conquérir des droits et les faire valoir, pour imaginer un monde plus juste et proposer des voies pour y parvenir, sont le coeur de son action syndicale.

 

Bâtie selon deux dimensions professionnelles et géographiques, la CGT s’est forgée et constituée au fil de l’histoire autour d’une conception de solidarité entre les salariés qui combine l’ancrage à l’entreprise et à son environnement territorial.

 

 

CSR : Comités Syndicalistes Révolutionnaires

Qui sommes nous ? Les CSR ne se focalisent pas sur des spéculations philosophiques mais sur des pratiques concrètes avec une intervention structurée :

  • Développer des outils de solidarité interprofessionnelle (telles les Bourses du travail de la CGT du début du 20ème siècle) pour unifier les travailleurs-euses, consolider nos bases, nous développer et apporter un soutien aux sections syndicales.

  • Réorganiser les syndicats d’entreprises en véritables syndicats d’industrie selon le modèle historique du syndicalisme de classe (syndicats locaux de branche).

  • Reconstruire la sociabilité ouvrière grâce à des activités sportives, culturelles et d’entraide socialisées.

  • Coordonner les syndicalistes révolutionnaires en isolant les fractions et la bureaucratie pour rendre démocratique nos syndicats en redonnant le contrôle aux adhérent-e-s et militant-e-s.

 

 

 

CNT : Confédération National du Travail

 

Présentation : Le nom de la CNT circule désormais régulièrement sur les tracts, dans les manifestations et dans les médias. Mais si les trois lettres commencent à être connues, ce qu’elles signifient reste souvent un peu flou. Plusieurs éléments concourent à cela. « Confédération nationale du travail » indique bien qu’il s’agit d’un syndicat ; pour le reste, les termes ne sont guère explicites et comportent un « nationale » bien peu opportun de nos jours, en France. Ensuite, les références de la CNT, le syndicalisme révolutionnaire et l’anarcho-syndicalisme, laissent souvent la place à un « anarchisme » qui ne lui correspond pas. Enfin, son image faussement sulfureuse, teintée d’une violence que les médias présentent volontiers comme gratuite, trouble la perception extérieure de sa réalité militante. L’existence d’une autre « CNT », survivance d’une ancienne scission, contribue parfois, lorsqu’on s’intéresse à la CNT, à en compliquer l’appréhension...

 

 

Définitions et références :

https://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/

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