Gilles Bertin
Chanteur de Camera Silens – 1981 à 1986
Participe au braquage de la Brink's à Toulouse 27 avril 1988
Disparaît en Espagne jusqu'en 2016 où il se livre à la police à Toulouse
Reconnu coupable, il prend 5 ans avec sursis le 6 Juin 2017
Il aspire aujourd'hui à une autre vie.
Gilles Bertin, un punk, un vrai. Ce n'était pas « sexe, drogue et rock n' roll » mais « braquage, toxicomanie et Oï ». Il n'y a rien de poétique la dedans, mais la vie, la vraie. Tellement « No Futur » qu’après leur dernier gros coup tous ensemble. Il ne savait pas où aller avec ces 11 millions de francs (2 M d'€ )... rien de prévu, en tout cas pas si loin. 28 ans après il revient mais sans prévenir qui que ce soit, pour ne pas déranger comme il dit. Sa femme, ses ami.e.s et membres du groupe Camera Silens (dons il était le chanteur) étaient là pour lui à sa sortie du tribunal. C'est en homme libre qu'il veut avancer dans la vie, sans dette mais en pouvant dire enfin son vrai nom à son jeune fils.
Propos recueillis le 6 Juin 2018 à Toulouse
Gilles Bertin
Chanteur de Camera Silens – 1981 à 1986
Participe au braquage de la Brink's à Toulouse 27 avril 1988
Disparaît en Espagne jusqu'en 2016 où il se livre à la police à Toulouse
Reconnu coupable, il prend 5 ans avec sursis le 6 Juin 2017
Il aspire aujourd'hui à une autre vie.
Gilles Bertin, un punk, un vrai. Ce n'était pas « sexe, drogue et rock n' roll » mais « braquage, toxicomanie et Oï ». Il n'y a rien de poétique la dedans, mais la vie, la vraie. Tellement « No Futur » qu’après leur dernier gros coup tous ensemble. Il ne savait pas où aller avec ces 11 millions de francs (2 M d'€ )... rien de prévu, en tout cas pas si loin. 28 ans après il revient mais sans prévenir qui que ce soit, pour ne pas déranger comme il dit. Sa femme, ses ami.e.s et membres du groupe Camera Silens (dons il était le chanteur) étaient là pour lui à sa sortie du tribunal. C'est en homme libre qu'il veut avancer dans la vie, sans dette mais en pouvant dire enfin son vrai nom à son jeune fils.
Propos recueillis le 6 Juin 2018 à Toulouse
Gilles Bertin
Chanteur de Camera Silens – 1981 à 1986
Participe au braquage de la Brink's à Toulouse 27 avril 1988
Disparaît en Espagne jusqu'en 2016 où il se livre à la police à Toulouse
Reconnu coupable, il prend 5 ans avec sursis le 6 Juin 2017
Il aspire aujourd'hui à une autre vie.
Gilles Bertin, un punk, un vrai. Ce n'était pas « sexe, drogue et rock n' roll » mais « braquage, toxicomanie et Oï ». Il n'y a rien de poétique la dedans, mais la vie, la vraie. Tellement « No Futur » qu’après leur dernier gros coup tous ensemble. Il ne savait pas où aller avec ces 11 millions de francs (2 M d'€ )... rien de prévu, en tout cas pas si loin. 28 ans après il revient mais sans prévenir qui que ce soit, pour ne pas déranger comme il dit. Sa femme, ses ami.e.s et membres du groupe Camera Silens (dons il était le chanteur) étaient là pour lui à sa sortie du tribunal. C'est en homme libre qu'il veut avancer dans la vie, sans dette mais en pouvant dire enfin son vrai nom à son jeune fils.
Propos recueillis le 6 Juin 2018 à Toulouse
Ben Art Core
Photographe Militant
Michel Tubiana
Avocat à la cours depuis 1974
Membre de la LDH depuis 1977
Président de la LDH 2000-2005
Président d'honneur de la LDH
"« J'ai plaidé à peut près toutes les affaires de Radios Libres sous Giscard. J'ai été l'un des 4 avocats des kanaks en Nouvelle-Calédonie, j'ai participé à la défense de Klaus Croissant, j'ai plaidées dans l'affaire Papon. J'ai plaidé la partie civile pour Brahim Bouarram. Maintenant, j’arrête. J'ai épuisé les joies de ce métier ».".
1er Partie : Questions/réponses
En tant qu'avocat, j'ai fait un peu de droit économique, du droit social et du pénal. Maintenant, j’arrête. J'ai épuisé les joies de ce métier.
On dit de ce métier qu'il est merveilleux mais qu'il à trois inconvénients : les juges, les clients et les confrères.
Wikipédia : Michel Tubiana a dix ans en 1962 lorsque sa famille quitte l’Algérie et s’installe à Paris. Son père est juge auprès du tribunal de commerce. Sa mère élève ses trois fils.
C'est des conneries, ça. Mon père n'a jamais été juge au tribunal de commerce. Il était ce qu'on appelait un « avocat spécialisé dans le tribunal de commerce »; ça s'appelait un agréé au tribunal de commerce.
Ben Art Core: Il y a un lien avec votre père, pour que vous soyez avocat vous aussi?
Michel Tubiana : Oui, tout à fait. Ce n’est pas un héritage matériel, mais un « héritage intellectuel », de « pratique ». Très vite, je me suis aperçu que c'était le meilleur moyen de mêler mon activité professionnelle avec mon activité militante.
B.A.C : Il est dit que vous étiez lycéen à la JCR.
M.T :Oui, j'étais lycéen en 68. J'ai passé un moment à la JCR, mais très rapide car le militantisme de cette nature m'a très vite gonflé. J’assume ne pas être un révolutionnaire au sens où ils l'entendaient. Quand on se met à contester mes lectures, me dire quand il faut que je parte en vacances, m'interdire de fumer un joint, ect., je suis trop hédoniste pour ce genre de choses.
B.A.C : Il est dit également que vous êtes entré en Franc-Maçonnerie
M.T : Je suis entré en Maçonnerie en 1972, au Droit Humain. Ça aussi, c'est un héritage paternel.
Les Droit Humain était une obédience maçonnique qui avait la particularité à l'époque d'être une obédience mixte. Je suis entré après au Grand Orient de France en 74 où j'ai fondé avec d'autres la loge Salvador Allende.
Le Grand Orient de France est la plus ancienne obédience maçonnique française (1773) et la plus importante d'Europe continentale. La Fédération française du « Droit humain », fondée en 1901, est la première et la plus ancienne fédération de l'Ordre maçonnique mixte international « le Droit humain ».
B.A.C : Comment entre-t-on en Franc-Maçonnerie ?
M.T : J'avais ça sous les yeux, ce que ça recouvrait chez mon père et donc par conséquent, c’était à la fois un peu naturel dans ce cheminement et puis un peu extraordinaire au regard de mon milieu politique et de mes engagements politiques.
Je ne sais pas si vous savez, mais quand Trotski à chapeauté la création du Parti Communiste français en 1922, il y avait 21 conditions d’adhésion à la 3ème Internationale. Il en a imposé une 22ème pour la France, qui était « la non appartenance aux organismes de collaboration de classe » qui étaient pour lui non-émancipés: la Franc-Maçonnerie et la Ligue des Droits de l'Homme.
D'ailleurs, dans les premières chartes du Parti Communiste, vous avez au dos stipulé que vous attestez ne pas faire partie de la Ligue des Droits de l'Homme ni de la Franc-Maçonnerie, ce qui n’empêchait pas que la moitié des fondateurs du PCF étaient au grand Orient à l'époque.
Lien wikipédia : 22 conditions : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conditions_d%27admission_%C3%A0_la_IIIe_Internationale#La_%C2%AB_22%C3%A 8me_condition_%C2%BB_concernant_les_francs-ma%C3%A7ons_?
Il faudrait plus de temps pour s’étendre sur ce que j'attendais, ce que j'ai trouvé et l'idée que j'ai de la Franc-Maçonnerie mais bon, c'est un débat qui peut prendre des heures.
B.A.C : Vous avez défendu Klaus Croissant.
M.T : Oui, enfin, j'ai participé à la défense de Croissant aux côtés de celui qui a été un peu mon mentor au palais de justice, c'est à dire Jean-Jacques De Felice et plus généralement sur toutes les affaires de la Fraction Armée Rouge en Allemagne, qui était une période glauque de chez glauque.
Jean-Jacques de Felice (15 mai 1928 - 27 juillet 2008, Paris), était un avocat, ancien vice-président de la Ligue des Droits de l'Homme de 1983 à 1996.
Jean-Jacques De Felice était une référence philosophique, professionnelle, amicale. C'est un homme auprès de qui j'ai beaucoup appris et qui n'est pas du tout de ma filiation culturelle.
Il y a deux groupes d'affaires où je suis beaucoup intervenu. La première chronologiquement: j'ai, je crois, à peu près plaidé, à l’exception d'une d'entre elles, toutes les affaires de Radios Libres sous Giscard. Ce qui était une défense assez jouissive parce que c'était une défense sans grand risque pour les personnes et en même temps tout-à-fait ludique.
On poursuivait mes clients pour avoir fait des radios libres et ils étaient à la sortie de la salle d'audience avec une bagnole qui avait un émetteur dedans, d'où ils émettaient une émission de radio (rire).
Une radio libre, initialement synonyme de celui de radio pirate, est un mouvement qu'ont entraîné les radios émettant clandestinement dans les années 1970 en Europe pour revendiquer la liberté d'expression et la fin des monopoles d'État dans le domaine de la radio et de la télévision (effective en 1981).
L'autre grosse affaire était de 82 à 90. J'ai été l'un des 4 avocats des kanaks en Nouvelle-Calédonie. Donc, j'ai suivi de près, et de l’intérieur, tout ce qui se passait en Nouvelle-Calédonie durant cette période.
Après, les affaires que j'ai plaidées, Papon, oui, après, c'est diverses affaires comme peut plaider n'importe quel avocat. J'ai plaidé la partie civile pour la Ligue (LDH) Brahim Bouarram, c'est le type qui a été jeté à la Seine. Puis j'ai beaucoup plaidé pour la Ligue sur des affaires de racisme.
Brahim Bouarram, un Marocain de 29 ans (père de deux enfants), est poussé dans la Seine le 1er mai 1995, par un manifestant en marge du défilé annuel du Front national en l'honneur de Jeanne d'Arc.
2eme Partie : Qui est Michel Tubiana ?
Je suis entré en 70 à la fac. A l'époque ça s'appelait une « licence de droit »; c'était en 4 ans. J'ai prêté serment dans la foulée en 74.
Faire du droit, c’ était naturel, c'est vraiment un héritage paternel.
Je ne voyais pas ce que je pouvais faire d'autre: j'étais absolument nul en mathématiques, je n’étais pas très habile de mes mains et je n'ai pas un goût particulier pour les gamins et l'enseignement. Vu mon entourage, je dirais que c'était un peu un entonnoir obligé qui me dirigeait vers cette voie. Après, que je devienne avocat, c'était moins logique. Je pouvais devenir magistrat mais je n'ai pas voulu car ça m’enfermait dans un certain nombre de contraintes comme le devoir de réserve, etc... et puis en plus, il fallait passer un concours alors, avec ma flemme naturelle, c'est un peu compliqué.
J'ai très vite pris conscience que les avocats comme Henri Leclerc, à qui j'ai succédé à la tête de la Ligue des Droits de l'Homme, ou Jean-Jacques de Felice, je les ai connus pendant que j'étais étudiant. Je voyais bien qu'ils arrivaient à vivre de leur métier et en même temps à y mêler leur activité et engagement politique. Ça me paraissait assez naturel de faire les deux.
Henri Leclerc commence sa carrière aux côtés de l'avocat Albert Naud. Il a hérité sa bibliothèque juridique (que ce dernier avait lui-même reçue de Raymond Poincaré). Avocat depuis 1956, ancien membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris, il a été président de la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen de 1995 à 2000. Il a accompagné le mouvement social, aux côtés des paysans travailleurs, des mineurs de fond, de la CFDT, des militants luttant pour l'amélioration des conditions de détention (il a dénoncé les conditions de détention dans les prisons de haute sécurité), des tenants d'une presse indépendante.
Sauf que je ne faisais plus de politique. Je faisais le Service d'Ordre (SO) au sein de la JCR (j'ai toujours été de cette mouvance), mais ça, c'était quand j'étais en fac. Il m'est arrivé une mésaventure douloureuse, à savoir que je croyais être affecté à Nanterre et je me suis retrouvé à Assas. (J'ai piqué quelques records de 100 mètres personnels). Il y avait pas mal de manifs auxquelles j'ai participé et il y avait les fachos, donc pas besoin d'être encarté pour être du service d'ordre.
Le reste me faisait un peu chier en termes de militantisme. C'était un enfermement intellectuel qui ne me convenait absolument pas.
Quand j'étais à la JCR, on m'avait reproché d'avoir dans ma bibliothèque, et d'avoir lu, un livre de Drieu la Rochelle qui était un fasciste notoire. C'est un type de réflexion intellectuel que je ne peux pas supporter, donc voilà.
Pierre Drieu la Rochelle, (1893-1945), est un écrivain français. Ancien combattant de la Grande guerre, romancier, essayiste et journaliste, dandy et séducteur, européiste avant la lettre, socialisant puis fascisant, il s'engagea en faveur de la Collaboration durant l'Occupation de la France par l'Allemagne nazie. Directeur de « La Nouvelle Revue Française » à la demande de Gaston Gallimard.
Drieu sauve la vie de plusieurs écrivains prisonniers parmi lesquels Jean-Paul Sartre, dont il aurait facilité la libération selon Gilles et Jean-Robert Ragachenote, et Jean Paulhan, qu'il aide à s'enfuir.
Les œuvres de Drieu ont pour thèmes la décadence d'une certaine bourgeoisie, l'expérience de la séduction et l'engagement dans le siècle, tout en alternant l'illusion lyrique avec une lucidité désespérée, portée aux comportements suicidaires. Le Feu Follet (1931), La Comédie de Charleroi (1934) et surtout Gilles (1939) sont généralement considérés comme ses œuvres majeures.
Il y avait un truc en 68 qui s'appelait Mouvement d'Action Judiciaire et qui était constitué d'étudiants, de juges et d'avocats, des juristes et des non-professionnels du Droit mais intéressés par le Droit. C'était un peu l'extrême-gauche du palais de justice du mouvement judiciaire et c'est là où j'ai rencontré Jean-Jacques (de Felice). Je ne sais pas comment d’ailleurs. Jean-Jacques était déjà à l'époque Vice-président de la LDH.
Le Mouvement d'action judiciaire est une organisation de juristes créée à l'issue des événements de mai 1968 par des avocats principalement. Ses membres vont développer une critique "en acte" du droit, c'est-à-dire non seulement un discours critique sur le droit, discours teinté de marxisme, mais aussi l'idée qu'il faut réfléchir à de nouvelles formes de maniement du droit.
Il y avait un homme qui s'appelait Henri Noguères, qui était Président de la LDH. A l'époque, la LDH, c'était quand même déjà une vieille maison parce qu’elle datait de 1898, mais alors, il y avait beaucoup de très vieilles personnes et Henri s'était mis dans la tête de rajeunir la Ligue en y attirant toute une génération de gens comme moi, avec Jean-Jacques (qui était plus âgé).
Cette histoire de la Ligue me parlait parce qu’elle est liée à la III République. J'ai également découvert, mais des années après, que mon père avait été Secrétaire Général de la section des Droits de l'Homme à Alger avant la guerre. Donc oui, ça me parlait bien. J'y suis rentré, j'ai fait mon trou et voilà.
Après 68, c'était une époque très anti-autoritaire et donc, ça s’est senti dans la relation avec mon père (rire); malheureusement d’ailleurs, je peux le regretter maintenant. Mon père est mort en 69, j'étais très jeune.
Je suis entré en 77-78 à la LDH. A la LDH, c'était facile, la première année, j'ai été élu au Comité Central, ce qui est équivalent au comité d'administration. Je précise quand même la terminologie de « Comité Central », nous on l'emploie depuis 1898, bien avant le Parti Communiste; ça ne correspond pas du tout la même chose bien évidement.
Après j'ai exercé diverses missions sous le chapeau d'Henri Noguères, avec qui j'ai beaucoup appris. Quand Henri est parti, le président est devenu Yves Jouffa, donc je suis devenu secrétaire général (1984-1995) de la Ligue. Après Jouffa, il y a eu Madeleine Rebérioux et je suis resté secrétaire général de la Ligue. Après Rebérioux, il y a eu Henri Leclerc et j'ai abandonné mes fonctions de secrétaire général pour devenir vice-président de la Ligue et puis après, je suis devenu président (2000-2005) et maintenant je suis dans le cimetière des éléphants comme président d'honneur.
Pour des gens comme Henri, moi ou d'autres, de cette nature, comment ça fonctionne? On a notre activité professionnelle et il y a une partie d'activité professionnelle qui est consacrée à une partie politique mais sans mélanger les genres non plus.
Avant que je devienne secrétaire général de la Ligue, ça devait être en 84, à cette époque-là, je faisais beaucoup de Droit des étrangers. A partir de 84, je deviens secrétaire général et j'ai la gestion de toutes les interventions du service juridique de la Ligue, qui était déjà à l'époque largement submergée par la question du droit des étrangers. J’ai donc cessé de m’occuper du Droit des étrangers pour pas que l'on puisse dire que je me faisais ma clientèle sur des trucs du genre.
Pendant la période où j'étais président, je n'ai rien pu faire sur le plan judiciaire pour la Ligue parce que je ne pouvais pas mélanger entre avocat de la ligue et la Ligue.
Puis sinon, là, toutes les piles de dossiers des Droits de l'Homme sont des poursuites en général mais pas uniquement. Des questions de racisme dont je m'occupe en tant qu'avocat, mais ça, c'est du bénévolat, ce que l'on appelle dans notre jargon, du Pro déo (provenant de l’aide juridique) donc on n’est pas payé. C'est ma partie militante sauf pour les kanaks, on a été un peu payé parce que c'était un peu difficile d'assumer des voyages en Nouvelle-Calédonie. Je ne parle pas des frais parce que ça, évidemment, on ne les payait pas, mais ça prenait tellement de temps!
Par exemple, dans l'affaire Papon qui a duré 4 mois, je n'ai pas perçu un sou en tant qu'avocat de la Ligue. C'était une affaire monstrueuse en volume (pas qu'en volume d'ailleurs).
Après, mes missions en tant qu'avocat, c'est des conseils aux Prud’hommes, c'est devant le tribunal de commerce, c'est très peu de divorces parce que ce n'est pas ma tasse de thé, c'est un certain nombre d'affaires, c'est le quotidien d'un avocat qui travaille pour vivre.
En tant que la Ligue -ça fait partie de mon activité militante-.J'étais il y a 15 jours encore pour la dissolution de l'ETA; ça c'est un acte militant comme j'en ai fait 25 autres. C'était assurer le processus de paix mis en place à partir de 2011, à partir du moment où l'ETA a cessé ses actions violentes. Il y avait le problème du stock d'armes que l'ETA voulait donner aux autorités et que les autorités ne voulaient pas recevoir, elles voulaient les prendre.
Il y a eu une tentative partielle qui a échoué, où j'ai failli être arrêté mais où je n'ai pas été arrêté.
Déclaration dans Le Monde du 16.12.2016 : « J’aurais dû y être », a-t-il cependant déclaré. M. Tubiana devait participer à ce qu’il décrit comme « une démarche volontaire d’ETA de se désarmer ». Les armes devaient être « neutralisées », avant d’être « remises ultérieurement aux autorités françaises ».
Après, il y a eu une journée, le 8 Avril 2017 où on a imposé aux autorités françaises de prendre possession des caches d'armes et d'aller jusqu'à la dissolution d'ETA; mais l'histoire n'est pas finie puisqu'il reste la question des prisonniers qui est en jeu.
B.A.C : On vous retrouve sur pas mal d'autres affaires comme celle du Burkini, les fichets S et déchéance de nationalité.
M.T : Il s’est trouvé que c'est moi qui me trouvais de permanence au mois d’août quand il y a eu la folie autour du burkini. La position de la Ligue était de ne pas se lancer dans cette folie voulant interdire les burkinis.
La déchéance de nationalité, c'était sous l'état d’urgence; toute la période était urgente d'ailleurs. On a géré beaucoup de recours devant le Conseil Constitutionnel, devant le Conseil d'Etat et puis on a essayé de mobiliser le plus possible (en pure perte d’ailleurs) l'opinion publique contre l'état d’urgence mais ça, c'est ce que fait la LDH depuis sa fondation.
B.A.C : Qu’est-ce qui vous anime ?
M.T :Ce qui m'a animé, c'est deux choses que je ne supporte pas. Le racisme. Parce que je suis (sans être ni de près ni de loin pratiquant) juif et que je ne l'ai jamais oublié et que si j'avais eu tendance à l'oublier, surtout quand j'étais jeune, certains me l'on rappelé et puis parce que je ne supporte pas que l'on puisse... Je vais l'exprimer de manière plus égoïste: à l'inverse de certains, je pense que l’égoïsme est plutôt une qualité. Je pense que mon confort de vie dépend de la liberté des autres et je ne peux pas être libre et ne peux pas vivre comme j'ai envie de vivre, si les autres sont brimés, exploités, etc...
J'ai là un rapport presque utilitariste avec les choses, disons que ma liberté dépend de celle des autres à la différence de l'arbitraire, de l'exploitation économique. On crée les conditions d'une révolte et si on crée les conditions d'une révolte, on crée les conditions d'une violence destinée à répondre, légitimement d'ailleurs, à une injustice. Donc, à partir de là, j'ai plutôt envie que ce ne soit plus le cas.
Ma perception des droits n'est pas une perception chrétienne, je ne suis pas en train de faire de la charité ou autre. Je pense qu'il y a une seule humanité et que cette humanité à des droits qui sont inaliénables, sinon on n'est plus dans la même humanité.
La violence, oui, en dernier recours. Si je reprends l'exemple de l'ETA, j'ai défilé dans les rues de Paris, et je ne regrette pas de l'avoir fait, en soutien à l'ETA quand ils s'en prenaient... Vous vous souvenez quand ils ont fait sauter le premier ministre espagnol Carrero Blanco.
La rupture à été totale à partir du moment où le processus démocratique à été enclenché en Espagne (je ne dis pas une démocratie loin de là) et que l'ETA a continué à utiliser des moyens de violence et, qui plus est, des moyens de violence inacceptables.
Dans cette question de la violence, il y a deux choses: l’Etat est légitime dans son principe, mais son contenu et ses moyens, sont-ils légitimes ? Chacun est comptable des moyens qu'il utilise et le fait de se battre, d'utiliser la violence, n'implique pas de faire des attentats à l'aveugle et de s'en prendre à la population civile. Il y a là des frontières à ne pas franchir. Après, j'entends bien, on nous explique qu'il y a des violences asymétriques entre le faible et le fort, etc.. Tout ça est parfaitement possible mais ça ne règle pas la question: on n'utilise pas la violence contre des populations civiles, on n’utilise pas une violence aveugle ou, dans ce cas-là, on se rend coupable de crimes de guerre qui ne sont pas solutionnables dans une légitimité éventuelle de la lutte qui produit cela. Une lutte peut être parfaitement légitime, mais pas par n'importe quel moyen. La fin ne justifie pas les moyens. Jamais.
La défense du coupable :
Klaus Croissant : Défendre le défenseur de l’ennemi public. L’affaire Croissant par Loria Israël.
Je peux défendre quelqu'un qui est coupable, sinon je ne suis pas avocat. Si on ne devait que défendre des innocents ou des pauvres malheureux, ça n'a pas beaucoup de sens.
Le fait que les gens de la RAF soit poursuivis, je vais dire, que c'est la règle du jeu. Ce qui était en cause au début c'était la manière dont ils étaient poursuivis, les conditions de détention qui leur ont été infligées, qu'on a appelées à juste titre, la « torture blanche », (La torture «propre» ou «psychologique») c'est-à-dire un isolement dans une cellule blanche, capitonnée, où ne passait aucun bruit, etc...
RAF, La Fraction Armée Rouge (Rote Armee Fraktion en allemand) est une organisation terroriste allemande d'extrême gauche se présentant comme un mouvement de guérilla urbaine qui opéra en Allemagne de l'Ouest de 1968 à 1998, contribuant au climat de violence sociale et politique de ce que l'on a appelé les « années de plomb ». Elle fut également surnommée bande à Baader ou groupe Baader-Meinhof, du nom de ses leaders historiques, Andreas Baader et Ulrike Meinhof.
Même si je peux comprendre... on oublie que les premiers attentats de la RAF ont été des attentats contre des installations américaines. Parce que les bombardements au Vietnam étaient programmés en Allemagne. Je ne suis pas persuadé de la justesse des attentats, loin de là, mais dans ce cadre-là avec cette dimension politique, l’enlèvement de Schleyer et son exécution, c'est clair que c'est un enlèvement et une exécution insupportables et que rien ne peut les justifier qui ne justifie pas plus la manière dont les gens de la RAF sont morts. Je reste persuadé qu'ils ne se sont pas suicidés.
Vidéo Ina : Mort d'Ulrike Meinhof de la bande à Baader : http://www.ina.fr/video/CAA7600539201
Hanns-Martin Schleyer, était le représentant du patronat allemand. Son chauffeur, son garde du corps et deux policiers sont tués pendant son enlèvement.
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5 septembre 1977 : enlèvement du patron des patrons Hanns Martin Schleyer.
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18 octobre 1977 : assassinat de Hanns Martin Schleyer.
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19 octobre 1977 : le corps de Hanns Martin Schleyer est retrouvé à Mulhouse.
Le 19 octobre, le groupe envoie ce message au quotidien Libération :
« Après 43 jours, nous avons mis fin à l'existence misérable et corrompue de Hanns-Martin Schleyer.
Schmidt, qui dans son calcul a depuis le début spéculé avec la mort de Schleyer, peut en prendre livraison rue Charles-Péguy à Mulhouse. Sa mort est sans commune mesure avec notre douleur après le massacre de Mogadiscio. Nous ne sommes pas étonnés par la dramaturgie fasciste des impérialistes pour détruire les mouvements de libération.
Le combat ne fait que commencer.
Commando Siegfried Hausner »
Là aussi, ce n'est pas parce que ces gens ont commis des actes plus ou moins répréhensibles que ça justifie que l'Etat utilise n'importe quel moyen pour les arrêter, les juger et les détenir.
Archive AP :(22 nov. 1977) Le porte-parole LDH Daniel Mayer et Michel Tubiana du Mouvement pour l'action judiciaire condamne à Paris la décision du gouvernement français d'extrader Klaus Croissant, avocat des défenseurs de Baader Meinhoff.
Jugé face à l'Etat : Je passe mon temps à être face à un Etat, c'est la fonction même de l'institution. D’abord contre l'Etat Français; ça ne veut pas dire qu'on n’entretient pas un dialogue avec les autorités, ça nous arrive même d’approuver ce que font les autorités. On n’a pas désapprouvé les 12 premiers jours de l'état d'urgence, parce qu'on pouvait comprendre que dans la situation, etc... Mais au premier renouvellement de l'état d'urgence, on a averti qu'ils n'allaient pas arrêter et que ça allait entraîner des mesures d’exception, une chasse aux musulmans, ainsi de suite et c'est ce qui s’est produit. Il ne fallait pas être très intelligent pour le prévoir, c'est la logique de ce genre de choses.
On peut approuver des actes de l'Etat mais sinon, notre fonction par nature est d'être un contre-pouvoir et si on est un contre-pouvoir, on est face à l'Etat. Pas qu’à l’Etat d'ailleurs, mais face à un certain nombre d'entreprises.
B.A.C : Comment voyez-vous la suite, le processus de la justice, ça vacille ?
M.T : Ça vacille, non, ce n'est pas le terme qui convient, mais ça ne prend pas le bon cap, ça, c'est clair. C'est le pouvoir accru du parquet et de la police, c'est de moins en moins de contre-pouvoir, c'est une gestion de l'appareil judiciaire purement financière. C'est-à-dire comment faire plus avec moins d'argent. C'est surtout une diminution des libertés individuelles. C'est une tendance lourde depuis 30 ans, même un peu plus, 38ans.
Il y a eu une loi en 80 qui s’appelait « loi liberté et sécurité » de Pierrefitte. C'était la première loi en France qui inaugurait ce type de dérive. Il y a eu un recul. En 81, avec la gauche au pouvoir, elle a été abrogée mais dès 86, c'est reparti dans l’autre sens pendant la cohabitation et depuis, ça n'a cessé de faire un pas en avant, trois pas en arrière. Le degré de contrôle de toutes natures et de diminution du contrôle du contrôle est extrêmement préoccupant et pas qu'en France. C'est un mouvement mondial. C'est passé en plus par des phases d'accélération comme avec le 11 Septembre 2001 et le « Patriot Act », qui entraîne des lois en France.
Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes
La loi no 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, appelée en abrégé Loi sécurité et liberté, est une loi promulguée à la fin du septennat de Valéry Giscard d'Estaing. Cette loi, discutée au Parlement fin 1980, a été débattue dans un climat politique passionné, où la droite accusait la gauche de laxisme, et où la gauche accusait la droite de porter atteinte aux libertés fondamentales. Le candidat François Mitterrand, dans ses 110 propositions pour la France, promettait d'ailleurs d'abroger cette « loi liberticide » s'il était élu.
Avec les attentats des tours jumelles le 11 septembre, dès octobre, Vaillant, ministre socialiste durcit les contrôles, etc. en utilisant un subterfuge parlementaire pour ne pas à avoir à en discuter au Parlement.
Il y a tout ce qui se développe autour de la chasse aux étrangers et immigrés. Les contrôles de police et les pouvoirs exceptionnels délivrés par le Parquet dans certains endroits relèvent de cette volonté de chasse à l'étranger. Il y a un en-soi sur la question des étrangers. C'est un en-soi très ancien.
En 40, la Ligue est dissoute par Pétain. L'une des premières mesures qu'il prend avec le statut des juifs, c'est la dissolution de la Ligue des Droits de l'Homme et de la Franc-Maçonnerie. Les nazis entrent à Paris, ils occupent les locaux et prennent toutes les archives. Ce sont les archives de la LDH, de la Ligue de l'enseignement, des archives personnelles de Blum et d'autres, tout ce que les gens n'avaient pas pu emporter dans leur fuite. Elles partent en Allemagne et on n’entend plus parler des archives.
Au moment de la chute du mur (mur de Berlin) et du renversement du régime soviétique ont finit par apprendre quelles sont à Moscou.
Comment sont-elles arrivées à Moscou? Les allemands, après les avoir traitées, les avaient stockées à des endroits qui étaient hors du territoire allemand et quand les Russes sont arrivés, ils sont tombés dessus et les ont donc expédiées au KGB à Moscou.
Après de multiples négociations entre le gouvernement français et le gouvernement russe, en leur payant le micro-filmage parce qu’ils voulaient absolument l'avoir, on a récupéré une grande partie, mais pas la totalité, des archives.
Ces archives sont revenues en France pendant que j'étais président (de la LDH) et ont les a confiées à la bibliothèque universitaire de Nanterre et donc je vais voir ces archives qui dataient d'avant 40. Je prends un document au hasard qui date de 1901 ou 1902. C’était une lettre du directeur général de la Ligue des Droits de l'Homme à propos d'une demande d'asile politique d'un mec réfugié. La Ligue n'a jamais cessé de se trouver en prise avec cette question des étrangers en général dans sa branche “migrants” ou dans sa branche “réfugiés” et vu les temps qui court, ce n'est pas fini.
Archives rapatriées de Moscou : http://www.calames.abes.fr/plus/doc/920509801/FileId-928.pdf Date : 1898 – 1940
Description physique : 425 cartons (17232 dossiers).
Description : Correspondances, rapports administratifs et financiers, coupures de presse, compte-rendu de séances
B.A.C : Et la suite donc ?
M.T: J'ai 65 balais, j'ai parcouru le monde entier à quelques exceptions près. Depuis 4-5 ans je ne cessais de rayonner sur la réussite de la Méditerranée (Euromed). Ce métier ne me passionne plus, je n'ai plus envie de me confronter à un certain nombre de choses, j'ai envie de voir mes petits-enfants.
B.A.C : Alger ?
M.T : J'aimerais bien y aller mais on ne me donne pas de visa du fait de mes activités aux Droits de l'Homme. D'une part parce, que moi et d'autres, on a appelé ça la « sale guerre » en Algérie, notamment sur la dernière période, parce qu'on finissait par se demander qui tuait qui là-dedans et pas simplement les « bons et les méchants », l'instrumentalisation par l'armée algérienne, etc. et parce qu'on est extrêmement critique sur la situation de la démocratie et des libertés en jeu, qui sont bafouées au quotidien. Ça fait partie des risques du métier, si j'ose dire. J'en suis navré, j'aimerais bien refaire les parcours que je faisais étant gamin. Je crains de mourir sans la revoir, à moins que le gouvernement ne change, ce qui n'a pas l'air d'être le cas.
B.A.C :Quel est ce Tableau derrière vous ?
M.T : C'est un hommage à la Commune d'un peintre qui s’appelait (parce qu'il est mort maintenant) Fred Zeller, qui a été Grand Maître du Grand Orient de France, peintre surréaliste, qui a été dans son jeune temps Trotskyste, et qui avait même passé un moment avec le vieux quand il était en exil en Suède.