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Michel Camilleri

- Membre du G.A.I : ​1973

(Groupe Autonome d'Intervention)

- Membre des G.A.R.I : 1973 -1974

(Groupe d'Actions Révolutionnaires Internationalistes)

- Membre d'Action Directe : 1979 - 1985

"Tu sais très bien sans vouloir te l'avouer que quand tu rentres dans une certaine forme de lutte qu'on peut qualifier de lutte armée, il y a de forte chance que ça ne finisse pas très bien.".

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Michel Camilleri - Octobre 2018 à Toulouse

Moi c'est Michel Camilleri, on m'a connu sous le nom de Ratapanade ce qui veut dire Chauve-souris, mais c'était entre nous, et comme Jean-Marc (Jean-Marc Rouillan) l'a écrit dans ses bouquins, beaucoup de gens pensent que c'était mon surnom à l'époque.

J'ai 66 ans et 2 mois alors que Jean-Marc à 66 ans et 1 mois. C'est comme quand t'es môme, tu dis 13 ans et demi, au début tu comptes en moitiés, quand tu arrives sur la fin tu comptes aussi en moitiés, il ne faut pas se faire d'illusion, tu as l'impression que le temps est plus long alors que tout va plus vite (Rires).

 

Cadre familial :

De l’âge de 4 ans jusqu'à mes 16 ans, j'ai vécu à Madagascar.

Mon père était gendarme et ma mère était comme beaucoup de femme de l'époque, « mère au foyer ».

Ma mère est de souche Espagnole Toulousaine et mon père lui était plutôt ce qu'on pouvait appeler un « métèque ». Une sorte de demi « bougnoule ». D'origine Sicilienne, son père était maçon et pauvre, né en Tunisie.

Il n'était pas résistant dans le sens traditionnel FTP (Franc-Tireur Partisan) mais engagé pendant la guerre dans l’armée Française qui s’est battu avec les Anglais et les Américains.

A la fin de la guerre, il fallait bien bouffer alors il est rentré dans ce truc de la gendarmerie mais il était assez rebelle pour un gendarme. En même temps, les chiens ne font pas des chats. C'est ce qui me permet aujourd'hui je crois, de relativiser un petit peu sur les jugements de valeurs selon justement les fonctions sociales des individus.

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J'ai entendu CRS=SS, on l'entendait beaucoup à une époque. Il ne faut pas exagérer, un CRS n'est pas un SS, c'est un prolo voire un sous-prolo qui peut être un salopard, qui peut le devenir (dans la plupart des cas) comme c'est leur rôle. En même temps il est amené à faire ça parce qu'il n'a pas le choix comme travailler à l'usine. Ce sont des rôles sociaux.

 

Le slogan "CRS SS" s'est installé dans le répertoire contestataire et militant dans les années 60. Pourtant il date en fait de 1948. Trois ans après la fin de la guerre, les mineurs qui vivent une des grèves les plus dures et les plus violemment réprimées de l'histoire sociale, font rimer CRS et SS.

"CRS SS", l'histoire d'un slogan qui ne date pas de 1968 : https://www.franceculture.fr/histoire/crs-ss-lhistoire-dun-slogan-qui-ne-date-pas-de-1968

 

​Après, de mon point de vu, il y a des individus important socialement, ceci dit, un ennemi reste un ennemi. Ce que je veux dire c'est qu'un flic aujourd'hui, ce n'est pas mon ami, forcément ce ne peut pas l'être sauf si on boit un coup ensemble et que je ne sais pas qui il est, (d'ailleurs même si je sais qui c'est, j'men fous) !

 

​Ça me permet de m'apercevoir que la trajectoire sociale, n'est pas forcément un choix que font les individus. C'est pour cela que j'ai choisi de me battre pour permettre aux gens d'avoir un choix réel. Enfin croire qu'un jour il peut y en avoir.

Quand je suis arrivé en France, j'avais 16 ans. C'était à Toulouse en Juillet-Aout 1968, juste après les événements de Mai 68.

J'ai été le seul à être fouillé en descendant de l'avion parce que j'avais des douilles sur les épaules, c'était l'époque.

​La première année à Toulouse en lycée technique, je me suis fait une bonne dépression. La vie à Madagascar et la vie ici ça n'avait rien à voir. Ensuite je suis allé au lycée Berthelot qui était considéré comme l'un des lycées les plus agité de Toulouse. Le lycée des cancres.

J'étais quasiment dépolitisé mise à part les récits que je pouvais entendre de mon père sur la résistance durant la guerre. Enfin, des trucs à lui qu'il a vécu dont on parlait en famille. Ça marque forcément même inconsciemment. J'avais quand même une conscience, mais pas politique.

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Le 31 mai 1968 - Barrage des CRS rue de Metz à Toulouse

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Le 12 Juin 68 à Toulouse place du Capitole

1969/1970, c'était une période extrêmement agité partout mais je pense que Toulouse était une des villes les plus agité au point de vue social et politique. Il se passait beaucoup de chose ici. Même à Paris c'était beaucoup plus calme.

Prise de conscience politique :

J'étais dans le seul lycée qui relevait une importante concentration de gauchistes ou d'aspirant gauchistes. J'ai fait pas mal de rencontres dans cette agitation lycéenne de l'époque. Des grèves, des occupations de classes, des sabotages (des petits trucs à la con), on allait à toutes les manifs.

Souvent les flics étaient devant mais ils ne rentraient pas. Et là j'ai rencontré en même temps Jean-Marc et Mario Ines Torres, parmi ceux qui ont été des amis et des camarades. C'est avec eux que j’ai continué.

Donc ça, ça a duré 2 ou 3 ans et petit à petit je me suis impliqué dans les luttes qui existaient à cette époque.

Ça pouvait être des manifs assez baston quand même. Ceux qui nous coursaient le plus, ce n’était pas tant les flics que le service d'ordre de la Ligue (Ligue Communiste Révolutionnaire), de ça j'ai de très bon souvenir, on s'amusait beaucoup.

On était en tête de manif (comme aujourd'hui les groupes de tête), on était au minimum aussi violent mais les médias n'en faisaient pas un plat comme ils font aujourd'hui. D'ailleurs, ça faisait partie du quotidien, c'était totalement intégré et petit à petit ça a évolué sur une forme qu’on qualifierait de « radicale ». Mais moi je ne l'ai pas perçu du tout comme ça, pour moi c'était une continuité tout à fait logique.

Rencontrer les individus avec lesquels tu t’entends, avec lesquels tu partages un certain nombre d'idées, de désirs, de quotidien, ça m'a amené dans un premier temps à participer aux actions du MIL (Mouvement Ibérique de Libération). Déjà je connaissais Jean Marc, Cricri, Auriol et Puig Antich que j'avais déjà rencontré quelques fois.

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Le Movimiento Ibérico de Liberación (Mouvement ibérique de libération) est un mouvement prônant « l'agitation armée » actif en Espagne de 1971 à son auto-dissolution en août 1973.

Organisation plutôt inclassable, son existence gêna aussi bien l’ultra gauche théorique européenne (à cause des attaques de banques assimilées à de la délinquance) que ceux qui devinrent trop vite des « professionnels de l’activisme ». Le « MIL » ne recoupa jamais avec précision une organisation centralisée : ce fut plus un sigle, autour duquel des militants se retrouvaient « au point de contact de deux idées-forces : renouer intelligemment avec la tradition activiste anarchiste en appui et en incitation aux luttes les plus radicales [et] dépasser l’antifascisme, le syndicalisme et les positions désarmées du gauchisme pour aborder un projet révolutionnaire moderne ».

Le MIL pratique l'action directe contre la dictature franquiste, notamment des braquages de banques qui alimentent la solidarité avec les grèves ouvrières et financent l'acquisition de matériel d'imprimerie et la maison d'édition Mayo 37.

Ses militants les plus notoires sont Salvador Puig Antich et Oriol Solé Sugranyes tué par la Guardia civil en 1976 à Barcelone

En 72/73, j'étais sur Toulouse et je filais un coup de main pour l’hébergement et d'autres petits trucs.

Ça correspondait à l'année scolaire ?

Oui ça correspondait tout à fait à l'année scolaire, mais je savais que je n'irais pas jusqu'au bout, ça ne m’intéressait absolument pas. C'était très intéressant mais je ne me voyais pas finir dans un cursus comme on dit aujourd'hui, ni étudiant. Ce n'est pas un jugement de valeur, c'était juste comme ça. Donc logiquement je m'entourais d'amis ou de camarades un peu agités socialement et ça correspondait plus aux pensés qu'on pouvait avoir à l'époque.

​Tu as fait partie de « Vive la Commune » ?

Non. Je les connaissais, je connaissais Jean-Marc, mais non. Je filais un coup de main. C'est comme faire partie du MIL, je n'ai pas fait partie du MIL. Je leur apportais régulièrement soit refuge, soit aide, et en disant aide, ça pouvait être des trucs qui font rigoler, un petit pétard, etc. ça fait partie du soutien qu'on peut apporter aux gens aussi.

J'ai commencé en n'ayant aucun contact en Espagne.

Je ne savais pas où ils étaient et je n'avais pas à le savoir. Des fois des camarades me disaient, « ha, j'ai fait ci ou ça » (je parle à l'époque), « Je n'y étais pas alors tu n'as pas à me le dire, tu fermes ta gueule ». Ça ne sert à rien.

​Je suis rentré là-dedans sans trop me poser de questions sur l'avenir. Je ne me suis jamais demandé ce que j'allais faire plus tard, même à mon âge aujourd'hui je ne me pose pas la question. Je sais que je vais mourir (Rires).

Je pense que ni Jean Marc ni Cricri (qui s’est suicidé) et d’autres camarades qui étaient à AD (Action Directe) et aux GARI, la plupart ne se sont jamais posé la question sur un avenir social. Ça ne se posait pas et ça peut se comprendre.

Cricri : Torres Jean-Claude, membre du MIL/GAC (Groupe Autonome de Combat).

 

Si j'ai des critiques à faire aujourd'hui, elles ne vont certainement pas se reposer sur ce genre de questionnement des choix individuels des jeunes d'aujourd'hui. Je sais que le monde a énormément changé. A l'époque, pour beaucoup d'entre nous, ça ne se posait même pas, on rentrait dans un processus, on savait pertinemment qu'on participait à une période de l'histoire qui était extrêmement importante. Ce qui s’est passé après nous l'a prouvé. Je pense qu'il est difficile aujourd'hui sans l'avoir vécu de s'en rendre compte.

On était tous plus ou moins issu de famille ayant connu la guerre (et pour beaucoup ayant fait de la résistance d'une façon ou d'un autre) et étant arrivé (je suis né en 52 donc c'est très peu de temps après la guerre) dans une période où je pense que la situation économique et sociale aurait pu basculer. Je ne sais pas vers où, je ne sais pas du tout ce que ça aurait donné, et de toute façon, ce n'est pas arrivé.

Je ne parle pas que du bloc Est/Ouest avec la guerre froide qui était extrêmement tendue. Mais c'est quand même les luttes, c'est les anciens résistants, la plupart du temps communistes ou d’extrême gauche les plus radicaux qu'on a pu rencontrer à Toulouse, les anti-franquistes qui s'étaient battus (mais réellement) contre le régime franquiste et puis dans le monde entier ceux qui luttent dans le tiers monde, à Cuba, la tri-continental, en Afrique, la guerre du Vietnam. On baignait réellement là-dedans, il y avait des mouvements de tous les côtés.

Ce qu'on a pu vivre à l'époque des GARI c'est totalement contemporain avec l'Italie et l'Allemagne, la bande à Bader 1ere génération, on arrive un tout petit peu après. C'est tout à fait contemporain, à part que l'Italie et l'Allemagne, ont des histoires qui sont en même temps proches mais avec leurs spécificités.

En Allemagne, ce sont des enfants de nazis, de collabos ou de résistants mais qui, représentent la succession du nazisme et donc réagissent d'une certaine façon. L'Italie a toujours été un pays issu du fascisme mais avec énormément de résistance. En Grèce, se finit en même temps le coup d'état des colonels (17 novembre 1973) et le coup d'état de Pinochet (11 Septembre 1973). On vit tout ça.

De mémoire à l’époque d’Aldo Moro, on est en plein militantisme (1978).

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Aldo Moro né le 23 septembre 1916 à Maglie et mort le 9 mai 1978 à Rome (ou ses environs), est un homme d'État italien membre de la Démocratie chrétienne.

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est professeur de droit pénal. Il est élu député en 1946, entre pour la première fois au gouvernement en 1955 et dirige la Démocratie chrétienne entre 1959 et 1963. Il exerce deux fois les fonctions de président du Conseil des ministres d'Italie et dirige par deux fois la diplomatie italienne.

 

Partisan du « compromis historique » entre les chrétiens-démocrates et les communistes, il est enlevé en mars 1978 par les Brigades rouges. Il est séquestré 55 jours et finalement assassiné par ses geôliers. Les conditions de sa mort et l'incapacité des autorités de l'époque à le sauver restent des sujets polémiques dans la classe politique et les médias italiens.

C'est une période qui est extrêmement turbulente et le monde bouge énormément. Le monde est en plein bouleversement et je pense qu'effectivement, tout semblait possible. Je ne sais pas si tout était possible, mais en tout cas semblait l’être. A ce moment-là on est ado ou post ado, donc, on y va sans se poser la question de « qu'est-ce qu'on va devenir plus tard ».

GAI

(Groupe Autonome d'Intervention)

De 1973 à 1974

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Groupe : GAI, année1973 (en haut à gauche : Mario Ines Tores, en haut à droite : Cricri, en bas à gauche : Michel Camilleri, en bas à droite: Jean-Marc Rouillan).

Ce qui m'a surtout déterminé, c'est quand Puig Antich (Salvador Puig Antich), se fait arrêter après la fusillade à Barcelone. Avec un flic sur le tapis (D'ailleurs on ne sait toujours pas si c'est lui qui l'a tué), il risquait la peine de mort, ainsi que d'autres arrestation des gens du MIL. Là, ça m'a quand même déterminé à aller un peu plus loin. Comme j'étais en contact avec Jean-Marc, je me suis proposé avec un groupe de copains et de copines, on s’est dit qu'on avait envie d'y aller. (Après Jean-Marc explique un peu dans le Tome III (De mémoire : Tome 3, La courte saison des Gari, Toulouse 1974) ce qui a pu se passer). Il y a eu l'urgence, donc très très vite je suis rentré dans un groupe d'actions des GARI (qui ne s'appelait pas encore les GARI), mais on était les GAI.

Tu sais très bien sans vouloir te l'avouer que quand tu rentres dans une certaine forme de lutte qu'on peut qualifier de lutte armée, il y a de forte chance que pour soi-même ça ne finisse pas très bien.

On y pense parce que connaissant l'histoire et en ayant vu les anciens résistants contre le franquisme, tu te dis que tu ne veux pas passer le premier mais tu as quand même conscience que tu prends ce type de risque. Tu penses à tous en même temps et tu ne penses à rien. Je ne pense pas qu'il faille voir les choses de façon manichéenne. A ce moment-là j'ai 22/23 ans, j'ai tout analysé, je sais où je vais, je sais ce que je quitte, mais en réalité ça ne se passe pas comme ça.

Je veux dire que les militants « révolutionnaires ou radicaux », on est des êtres humains et on vit comme des êtres humains. On fait des choses par conviction, par désir de les faire, aussi j'espère par plaisir (quand je dis plaisir ce n’est pas un plaisir malsain, je ne prends pas du plaisir parce que je pose une bombe, ça n'a rien à voir), je prends du plaisir à essayer de faire chier un maximum ce monde et si possible, de le faire trébucher. Et en même temps tu sais pertinemment ce que tu risques. Mais si ça commence à devenir le souci principal, vaut mieux arrêter tout de suite.

Il m’est arrivé dans certaines actions avec des amis et des camarades, (surtout au moment d'AD car au moment des GARI qu'il y avait une très forte cohésion entre nous), d’avoir de l'appréhension ou de la peur sur certaines actions. Je sais que d'autres camarades ont pu le ressentir aussi. Ça ne m’est pas arrivé souvent, mais je n'ai pas hésité à le dire « celle-là, je ne la sens pas ».

J'me souviens d'un copain, le matin d'un braquage, il me dit « j'le sens pas j'ai la trouille », je lui ai dit « Tu ne le fais pas parce que si tu le fais, tu mets tout le monde en danger », si le mec est pas à l'aise, ça ne sert à rien. Je pense que c'est un minimum d'honnêteté. Se forcer, la non, c'est le côté moine combattant.

Je n'ai pas envie de me forcer si je sens que ça ne me convient pas sur le moment. Mais ça après dans la vie clandestine, c'est un petit peu compliqué.

A des moments, tu ne sais plus si c'est de la prudence ou de la parano. Tu es sur tes gardes en permanence. La frontière est très fine mais l'important est que si quelqu'un n'a pas envie il ne faut surtout pas le faire.

Se mettre en danger soi c'est déjà chiant, mais mettre en danger tout un groupe c'est encore plus problématique.

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J'y suis rentré naturellement. Quand j'essaye de réfléchir à ce qui a pu me motiver... J'avais déjà un gros orteil dedans. Donc je ne me suis pas posé de question sur mon avenir, j'ai arrêté le lycée. J'ai passé la première journée du BAC, je ne suis pas allé à la deuxième.

Le GAI se forme dans l'urgence après les arrestations en Catalogne essentiellement composé des gens du MIL. Pour Puig Antich dont tout le monde sait que la peine de mort va être réclamée avec un flic sur le tapis, c'est évident, donc l'urgence est de réagir et d’empêcher que ça arrive. C'était avant que les GARI n'existent réellement.

 

Le premier projet était d'enlever l’ambassadeur d'Espagne à l'UNESCO.

Malheureusement un camarade espagnol très connu c'est fait repérer donc l'opération a été annulée. Le temps de chercher autre chose, notre groupe avait décidé de faire une action symbolique. (C'était avant l’exécution de Puig Antich par garrottage) contre les intérêts espagnols.

Il se trouve que l'action que l'on doit faire est un truc dans l'urgence. Un attentat contre l'avion de la compagnie Iberia.

Je précise, un attentat au sol, on ne voulait pas faire péter des gens, c'est évident, nous ne voulions blesser personne et encore moins tuer, ce n'est pas le but. On dirait aujourd'hui que c'est contre-productif. Tuer quelqu'un... Je ne suis pas humaniste mais, je ne vois pas l’intérêt.

On se fait gauler, on était 4 dans des voitures à Ivry (94). Il y avait deux voitures dont une était piquée et dont on avait changé les plaques, l'autre c'était celle d'un curton qui nous laissé la porte du garage ouverte, il ne savait pas ce que l'on faisait mais il était plutôt sympathisant. Il se trouve qu'au moment où l'on sort il était entre 2h et 3h du matin, il y a une voiture de flics qui voit deux véhicules qui passent.

Évidemment ils nous arrêtent. 2 ou 3 heure du matin à Ivry il n'y a personnes et dans les deux voitures (dont une volée) il y a des Toulousains et on prétend ne pas se connaître. Il trouve ça bizarre, ils nous ont tous coffrés. Et ça tombe une semaine ou dix jours après l'attentat contre Carrero Blanco fait par l'ETA. Quand ils nous gaulent, j'me souviens, ils pensent que c'est nous.

16 Janvier 1974 : à Ivry ; 4 militants anarchistes (Pierre Roger, Michel Camilleri, Angel Moreno Patino et Jean-Claude Torres) sont arrêtés avec des armes et des faux papiers, alors qu’ils préparaient un attentat contre un avion d’Ibéria à GENEVE.

Je pense aussi que l’attentat contre Carrero Blanco (que je trouve super et merveilleux), à ce moment-là, signe la condamnation à mort de Puig Antich. Après un attentat pareil contre l'état espagnol, s'il y avait eu la moindre chance qu'il commue ou ne demande pas la peine de mort, après l'attentat contre le successeur de Franco, ce n'était plus possible.

Il se passe ça, puis nous on se fait arrêter alors qu'on se préparait à faire une action un peu d'envergure ou tout du moins spectaculaire, il était évident qu'il allait être exécuté.

Après l'arrestation, avec un copain on fait 1 ou 2 mois de taule. Ils n'avaient aucune preuve. Les deux seuls autres (parce qu'ils ont trouvés des armes chez un pote espagnol qu'on appelait le Suisse) donc eux ils ont fait 1 an, aujourd'hui ce serait 15. Donc avec le pote qui était un pote de lycée, on sort et évidemment on se remet en plein dedans...

GARI

(Groupe d'Actions Révolutionnaires Internationalistes)

De 1974 à 1975

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Les GARI se forment après la mort de Puig Antich notamment parce que d'autres risquaient la peine de mort et pour demander l'application de la loi espagnole, à savoir la libération des prisonniers ayant fait les ¾ de leur peine...

Dons ceux qui participent au GARI, il y a très peu de gens du MIL. Les gens du MIL restent en Espagne et ceux que j'ai connus et qui étaient réellement au MIL, c'était Jean-Marc et Cricri.

Donc des groupes se forment mais avec des gens qui se connaissaient avant, donc il y avait déjà une confiance et une affinité. Ce que moi j'ai connu des GARI, c'est une coordination de groupes plus ou moins autonomes mais qui travaillent ensemble avec leurs réseaux avec des objectifs communs et en même temps avec une certaine liberté dans l'action, à condition de ne pas dépasser certaines limites (ne pas faire de victimes, s'attaquer aux intérêts Espagnols, faire pression sur l'état français et sur l’opinion publique qui à ce moment-là est extrêmement importante.

On était plutôt bien organisés pour ce qui n'était pas une organisation mais une coordination de groupes. Ce qui prouvait que ça pouvait très bien se passer, sans passer par une organisation pyramidale. Les attentats étaient coordonnés
 

Les actions :

Février 1974 : Il y a toute une série d'actions qui se passent notamment (et ça c'était notre groupe qui avait pris la décision) le mitraillage du domicile du chancelier d’Espagne à Toulouse qui habitait dans la rue où habitaient mes parents. Il avait deux filles, donc j'y allais régulièrement et je savais parfaitement où c'était, mais je n'ai pas participé à l'action directement. Il me fallait un alibi donc je suis resté chez mes parents.

Mon père qui connaissait le bruit d'un pistolet mitrailleur bondit sur ses pieds « Michel c'est un pistolet mitrailleur » moi j'lui dis « mais non, c'est des pétards ». Tu parles.

 

Avril 1974 : On décide dans notre groupe (il y avait moi, Jean-Marc, Pierre-Roger, Cricri était encore en taule. On était 4 ou 5 essentiellement ainsi qu’un autre collègue qui est mort) et on décide de partir à Amsterdam pour mener une campagne de soutien (on était tout près de la Belgique, donc Amsterdam-Bruxelles, c'était 1h30 de route) et pour faire des opérations financières, des récupérations, des braquages en gros. Parce que tout ça, ça coûte du fric.

Juste avant de partir on était allés à Montesquieux-Volvestre braquer la banque Courtois. C’était une somme énorme, 5 briques (aujourd'hui ça doit représenter 50 ou 60 milles euros). Ce fric nous a permis d'être autonome et d'aller à Amsterdam, de louer des piaules, on se faisait passer pour de jeunes journalistes Underground un peu branchés. Ça marchait à l'époque.

3 mai 1974 : Enlèvement à Paris du directeur de la Banque de Bilbao, Angel Baltasar Suarez (libéré le 22 mai), le même jour « El Banco Español de Crédito » à Bruxelles est braquée.

On a fait un enlèvement, celui du banquier Suarez. Le type bouffait bien, on lui avait même fait du lapin, tu le vois dans le film "GARI" de Nico Régla.

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Angel Balthazar Suarez, directeur d'une succursale française de la Banque de Bilbao, a été enlevé le 3 mai dans le sous-sol de son domicile, à Neuilly-sur-Seine. Ses ravisseurs l'ont libéré dans le Bois de Vincennes.

G.A.R.I ! Film documentaire de Nicolas Réglat [1h23- 2013]

Espagne, septembre 1973. Trois membres du MIL (Mouvement Ibérique de Libération) risquent d’être condamnés à mort par la justice franquiste. En France, plusieurs groupes d’activistes libertaires décident alors d’unir leurs forces dans un réseau appelé GARI (Groupes d’Action Révolutionnaire Internationalistes) pour obtenir leur libération. Le réalisateur donne la parole à des membres des GARI qui relatent l’enlèvement du banquier Suarez et les actions mises en œuvres au cours de l’été 1974.

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(BASTA N°21 Mars 1981)

Lien internet du PDF : https://cras31.info/IMG/pdf/bastano21.pdf

17 juillet 1974 : Attentats contre des véhicules du Tour de France à Saint-Lary-Soulan, plusieurs arbres sont abattus sur la route entre Barèges et le col du Tourmalet, 13 cars de pèlerins sont incendiés à Lourdes.

28 juillet 1974 : Attentat contre le consulat d’Espagne à Toulouse, 6 personnes sont blessées. Une charge explosive détruit une partie de la consigne automatique de la gare d’Hendaye.

​Le consulat d'Espagne. Ça, ça a fait plaisir à beaucoup de monde. On est les seuls à avoir fait péter le consulat d’Espagne (et il y en a qui ont essayé). Là il y a eu des blessés mais c'était la faute d'un flic.

On avait posé 3 bombes. Il y en a une qui n'a pas pété parce que le retardateur s'était bloqué à la dernière seconde. Aujourd'hui les mecs arrivent barricadés de partout pour désamorcer la bombe. Là non, le mec de la Dépêche lui dit « non, non, attendez ». Le flic tire sur la ficelle pare que les journaleux voulaient prendre une photo. Boum.

Au total, 6 flics blessés et trois pompiers. Les flics n'ont pas apprécié parce qu'on a envoyé des bouteilles de champagne aux pompiers en s'excusant. On leur avait téléphoné en leur disant qu'on était désolés, qu'il y avait une caisse par terre derrière tel arbre, il y avait du champagne, il était pour eux.

Du coup ils ont appelé les flics et ils l'ont analysé. Quand on a vu dans la Dépêche que les flics avaient pris le champagne, on a redéposé 3 bouteilles cette fois en leur disant que ce n’était pas la peine. Vous le buvez et puis c'est tout (Rires).

Lors de la présentation du film de Nicolas Réglat à l'ESAV, à la fin, il y a un mec qui prend la parole, c'est le fils d'un des pompiers blessés, qui est venu voir le film et nous a expliqué que son père ne nous en a jamais voulu, qu'il avait compris l'action mais qu'il avait été blessé. C'est rare quand même.

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C'était des accidents, on prenait beaucoup plus de risque avec les moyens qu'on avait à l'époque quand on fabriquait (parce qu’on les fabriquait les explosifs).

Ça s'apprenait des anciens qui eux l'avaient appris et nous le transmettaient. Je peux te dire que le système de mise à feu, il ne se faisait pas avec un téléphone portable.

 

C'était un peu à la Tex Avery, avec un gros réveil qui sonne, les fils électriques derrière, la mise à feu était dans un préservatif avec de la poudre noire et une ampoule de flash dont on avait pété le verre pour que dès que le contact se fasse... Aujourd'hui je ne me souviendrai pas de la recette, juste qu'il y avait du charbon de bois de la fleur de soufre, du sucre glace et du chlorate. Après dans quelle proportion ? On tournait ça dans une baignoire. On en avait partout. On transportait ça dans des valises de 20 kilos. C'était de l'artisanat, du terrorisme artisanal.


 

Vous n'avez jamais eu d'accident ?

Nous non, mais par la suite quand Mario, Jean-Marc et moi étions en prison il y a eu des gens à Toulouse qui ont eu des accidents. Certains sont morts en voulant faire un attentat contre une caserne de CRS dans le sud de Toulouse et d'autres en sortant le paquet de la bagnole. Ils se le sont fait péter à la gueule].

Documents sonores :


Janvier 1975 : Toulouse, soutien sonore à J.Claude et Do devant les hôpitaux et prisons où ils sont détenus.

Placé en hauteur un système électronique déclenche un lecteur cassette et l’enregistrement. L’ensemble est relié à un haut parleur.

https://cras31.info/spip.php?article137

Jean-Marc, Mario et moi nous étions tous recherché, donc quand on venait à Toulouse on croisait les voitures des RG mais par hasard. C'était assez rigolo les courses poursuites (Rires). Ils avaient les boules parce qu'ils n'arrivaient jamais à nous chopper et comme on était extrêmement mobiles, ça les faisait chier et ils nous l’ont dit « On vous voyait là, le lendemain vous étiez ailleurs », c'était une façon de vire assez Rock N' Roll.

On finit avec Mario, par se faire arrêter en Septembre 74 lors d’un banal contrôle routier à la con. J'avais déjà loué des bagnoles qui avaient déjà explosées avec ces faux papiers.

18 Septembre 1974 : La police annonce l’arrestation de quatre militants anarchistes, accusés d’appartenir aux GARI :

Victor Manrique, à Hendaye et Jean-Michel Martinez à Ciboure. Leur arrestation est suivie de celle de Mario Inez Torres et de Michel Camilleri, à Toulouse.

​​Donc direct, Paris, parce qu'à l'époque c'était 6 jours de Garde à Vue. Les quatre premiers jours n'ont pas été vraiment rigolos, Jean-Marc se fait arrêter à Paris pareil lors d'un contrôle routier avec deux autres personnes en Décembre et il me rejoint à la Santé. Au bout d'un moment il y a eu des Guyanais, des martiniquais, des comités de soldats, des Corses, Edmond Simeoni (Nationaliste Corse) et tout un tas de gens.

Les comités de soldats ou les luttes des soldats faisaient partie d'un mouvement des soldats apparu dans les casernes françaises dans les années 1973 à 1978 qui regroupait des appelés qui souhaitaient faire connaître ce qui se passait dans les casernes et réclamaient des revendications de dignité humaine dans un monde militaire très fermé où la contestation était vivement réprimée par une justice d'exception avec les fameux TPFA (tribunaux permanents des forces armées).

Il y a eu des actions en prison ?

Oui, notamment des grèves de la faim. Il paraît qu'on n’était pas beaux (Rires).

Quand on est rentrés ça devait être en Décembre 74. Au début on était 4. Il y avait Mario et moi avec deux basques, Jean-Michel Martinez et Victor Manrique (on s’est fait arrêter tous les quatre à deux jours d'intervalle).

On était 4 à la prison de la Santé dans la Cours de Sûreté de l’état (qui a été dissoute par la suite) dans des cellules séparées. Mais la Cours de Sûreté de l’état a été vite pleine avec les Guyanais (je crois) et Jean-marc est arrivé.

On s’est retrouvé à 7 ou 8 et là on a refusé d'entrer en cellule et on a demandé à bénéficier du régime politique qui était un régime spécial.

La Cour de sûreté de l'État est, en France, une ancienne juridiction d'exception qui avait pour but de juger les personnes accusées de porter atteinte à la sûreté de l'État. Elle concernait donc les infractions politiques. Elle fut créée en 1963 et supprimée en 1981.

Sa mission était de juger, en temps de paix, les crimes et les délits portant atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l'État, comme l'espionnage et le terrorisme. Elle avait compétence sur l'intégralité du territoire national.

La plupart de ceux qui passent en Cours de sûreté de l'état étaient des anciens de l'OAS, donc ils bénéficiaient du régime politique. Ils étaient seuls en cellule, ils avaient le droit de réunion, ils avaient de la bouffe améliorée, etc. Donc on a demandé la même chose et ils ont refusé.

On s'est retrouvés au mitard, on n’a pas pu regagner nos cellules donc on a fait une grève de la faim assez longue.

J'me souviens j'avais perdu 26 kilo, j'étais vert. On n’a pas bluffé. Mais vers la fin, on a quand même été aidé par des matons Corses et Guyanais. La première fois ça m'a surpris. Quand on allait à la douche, tu vois le maton qui arrive et dans sa casquette il y a un bol de soupe et un œuf dur et qui te dit « aller petit mange ça, je ne vais pas te balancer », c'était des Corses donc c'était en solidarité.

Comme quoi ce n'est pas si simple, on peut être maton et avoir un peu de solidarité. J'ai croisé un maton avec qui on pouvait jouer au Ping-Pong quand le bricard (c'est le surveillant chef) n'était pas là. Il nous expliquait presque les larmes aux yeux que « tu crois que ça me fait plaisir de t'enfermer le soir et de t'ouvrir le matin ? Le problème c'est que je travaillais dans les mines, je suis marié et j'ai deux mômes ».

Ça relativise un petit peu le coté radical. J'ai tendance à relativiser certaine chose et d'un autre côté de dire que quand t'es dans une lutte, t'es dans une lutte. T'as beau relativiser, à un moment donné, l'ennemi qui est en face, c'est l'ennemi. Même s'il n'a pas choisi, il a un rôle social et ça devient un ennemi de fait. Malheureusement.

On fait trois ans de taule. On est restés 1 an après la mort de Franco alors qu'en Espagne on commençait à amnistier les prisonniers anti-franquistes. Mais nous,on ne passait toujours pas en procès. Ils ont fini par nous mettre en liberté provisoire en 77. Et là, on a continué.

Tu avais quel âge ?

J'avais 22 ans. (photo)

Comment tes parents ont réagi à tout ça ?

Honnêtement, ils m'ont toujours soutenu. Je pense que d'une part il y a le coté affectif «ne touchez pas à mon enfant », puis d'une autre le coté de la conscience. Mon père s'était engagé contre le nazisme quand même. Bien qu'il était gendarme, il savait ce qu'était le fascisme. D'ailleurs il s'est retrouvé quasi dans le coma après s'être pris des coups de matraques dans une manif à Toulouse parce qu'il est rentré dans un car de flics en distribuant des tracts et en se disant « ce sont des collègues » et bien non.

D’ailleurs, à mon père on lui confiait les dossiers et tout ce qu'on pouvait avoir. Ils ont planqué des dossiers chez eux pendant des années.

La plupart d'entre nous avec les parents ça s’est toujours bien passé. Ils ont toujours été là dans les comités de soutien. Que ce soit les parents de Jean-Marc, de Mario, de Pierre-Roger, les miens. En même temps ce qu'on faisait paraissait tellement évident et logique que je ne vois pas pourquoi ils nous auraient pas soutenus... ha ça, ça devait les faire chier que l'on soit en taule. Ils en ont chié, les allers-retours, les parloirs.

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Manifestations de soutien aux GARI : janvier 1975 -  Place du Capitole - Toulouse

Action Directe

De 1977 à 1982

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D'un côté on continue les agitations et d'un autre côté on continue les récupérations financières. Mais pas uniquement.

Il y a eu des Nuits Bleues avec une coordination partout en France contre le nucléaire et contre tout un tas de truc et ça a pété vraiment partout.

Il y avait une coordination de « groupes autonomes ». Mais une vraie coordination. Ça avait pété dans la nuit à différents endroits à la même heure.

 

L'expression « nuit bleue » désigne une série d'attentats à l'explosif, simultanés ou se suivant dans un temps relativement limité (une même nuit).

A ainsi lieu une nuit bleu contre la construction de la centrale de Malville (23 attentats revendiqués par CARLOS (Coordination Autonome des Révoltés en Lutte Ouverte contre la Société) une coordination occasionnelle de plusieurs groupes autonomes qui, dans la nuit du 19 novembre 1977 « la nuit bleue antinucléaire », s'en sont pris à différentes infrastructures en lien avec l'énergie nucléaire.

Ça continuait à être une lutte avec les moyens que nous avions. Ce n'était pas la seule lutte qui se passait à l'époque. Il y avait énormément de grèves. Le mouvement social n'était pas couché comme j'ai l'impression qu'il l'est aujourd'hui, complètement abasourdi ou anesthésié. Il était vivant, réellement. Je pense que nous, c'était une autre forme de pratique qui n'était pas coupée du mouvement social. On utilisait ce type de pratique de façon spectaculaire pour continuer une lutte qu'on avait commencé, antifranquistes au moment des GARI mais on poursuivait en tant qu'anticapitaliste et antifasciste, ça va de soi. Quand tu es anticapitaliste tu es forcément antifasciste, ça me paraît évident. Ou quand tu es antifasciste et que tu n'es pas anticapitaliste c'est qu'il y a un problème de compréhension complète.

Donc nous, nous continuions à utiliser ça. Ça ne nous empêchait pas d’aller dans des manifs. Comme disait Charlie quand il vivait à Paris c'était « Un braquage le matin, une manif l'après-midi ». D’ailleurs, il prenait beaucoup de plaisir à ça. Il braquait le matin, allait bouffer à midi et manifestait l'après-midi, péter quelques vitrines.

 

Qui est Charlie ?

Charlie, c'est la dernière personne avec qui je me suis fait arrêter qui était à AD et qui était dans le groupe avec moi, celui qui a fait le « Communiqué du 1er Août ».

Le 1er août, une rupture définitive a lieu entre les « durs » minoritaires et les « mouvementistes ». Les « durs » (autour de Jean-Marc Rouillan) sont partisans d'une internationalisation de la lutte armée et de l'intégration d'Action directe dans un front commun de lutte terroriste avec les Brigades rouges italiennes, la RAF allemande et des groupes belges et palestiniens. Les « mouvementistes » (autour d'Éric Moreau, Meyer (Meïer) Azeroual, Michel Camillieri, Pascal Magron et Charles Grosmangin) sont favorables à la lutte au sein des masses et des entreprises. Regroupés dans un "Collectif révolutionnaire du 1er août", ils font paraître un communiqué et dénoncent "les pratiques autoritaires et bureaucratiques d'un des collectifs d'Action Directe, visant à entraîner l'ensemble des unités sur une stratégie et une ligne politique volontariste et élitiste (cela malgré de nombreuses discussions internes)." Ils décident « l'éclatement d'Action Directe » en expliquant : « Ce qui avant n'était qu'un mot d'ordre tendant à un regroupement révolutionnaire ne nous appartient pas ; nous abandonnons donc le sigle d'Action Directe à ceux qui voudraient l'utiliser. Contre le capital, le combat se mène à la base sur tous les fronts de la guerre sociale. »

- COMMUNIQUE DU 1er AOUT -

Il faut que ce soit très clair, Jean-Marc le sait, j'en ai discuté avec lui, on est en désaccord par rapport à ça mais ce n'est pas grave, on reste ami et camarade.

A ce moment de l'histoire d'Action Directe, c'est à dire en 82, Mitterrand vient d'être élu (10 Mai 1981). De mon point de vue Action Directe n'était pas une organisation, c'était une coordination de groupes, chaque groupe étant autonome et référait de ce qu’ils allaient faire. Mais cela se faisait de moins en moins. Dans ce que je dis là, il n'y a aucun jugement de valeurs, ce sont les faits. Le groupe avec qui on était, Charlie et bien d'autres, c’était le groupe le plus nombreux, le mieux organisé et le mieux armé. On avait quasiment de tout. Que ce soit les trucs pour écouter les flics, des gilets par balles, etc.

Les autres groupes étaient rentrés dans une démarche beaucoup plus anti-impérialiste (je schématise). Le groupe auquel appartenaient Jean-Marc, Nathalie (Ménignon), Joëlle Aubron, etc. était parti dans un truc plutôt Internationaliste et anti-impérialiste et de plus en plus basé contre la politique Israélienne (donc les intérêts Israélien). Nous à l'époque, on n’avait rien contre ça. On pensait simplement que l'arrivée de Mitterrand et de la gauche sur lequel on ne se faisait aucun souci (on s'en ai pas fait puisque aujourd'hui ça donne Macron, c'est la continuité) ça changeait vraiment la donne avec les années précédentes du Giscardisme et de la droite dure.

C'est à dire qu'il y avait un espoir pour une grande partie de la classe ouvrière avec la gauche arrivant. On savait que cet espoir allait se casser la gueule. Le problème c'est qu'on devait changer de fait la réflexion que l'on devait avoir ainsi que les modes d'action que l'on devait avoir.

Et nous à ce moment-là, nous ne voulions pas rentrer dans cette dynamique, de ne faire que de l'internationalisme et de l'anti-impérialisme. On pensait que la meilleure chose à faire de notre point de vue, c'était de continuer ponctuellement à faire des actions armées, mais qui étaient en lien direct avec la situation sociale en France et en Europe.

On s’est fait arrêter en Septembre 82 (encore une arrestation en septembre) alors qu'on préparait des attentats en soutien aux sidérurgistes qui à l'époque étaient extrêmement radicaux. Je ne veux pas dire de conneries mais il me semble qu’ils avaient foutus le feu à deux châteaux appartenant à des grands patrons sidérurgistes.

Aujourd'hui une manif qui va foutre le feu, c'est inimaginable. Là c'était « les mecs on y va, on n’est pas cagoulé, on fout le feu et on vous emmerde ». C'est comme si aujourd'hui on allait foutre le feu au MEDEF mais sans cagoule ou quoi que ce soit. La situation sociale en France à cette époque c'était ça. Mais il y avait de nombreuses divergences avec les autres groupes et on était en même temps (il faut être honnête) un petit peu dépassé par ce passage de la gauche. On savait que ça allait changer la donne mais on ne savait pas jusqu’où.

Juste avant notre arrestation, nous avions décidé de planquer tout le matos qu'on avait, de partir par groupe de deux, trois ou quatre par affinité pendant 3 à 6 mois chacun dans son coin et on se reverrait à telle période et chacun réfléchit à ce que l'on va pouvoir faire. C'est là qu'ils nous ont arrêtés.

Il y a eu ce type de divergence, je ne sais pas qui a tort ou qui à raison, l'histoire est passée, ce n'est pas grave.

C’est ce collectif AD qui après allait devenir une organisation. On sentait que le dérapage allait arriver, en tout cas ce que nous à l'époque considérions comme un dérapage, allait se produire et allait arriver à ce qui est arrivé, c'est à dire des exécutions. Encore une fois et je le répète, la mort d'un général et d'un grand patron, je m'en bats les burnes ! Je m'en fou complètement.

Quand on me pose la question de la morale, oui, d'ailleurs je n'ai jamais tué personne, mais ça ne me dérange pas. Oui je sais que ces gens-là sont des êtres humains, mais qu'un général ou un marchand d'armes crève ou qu'un grand patron qui vient de foutre à la porte des milliers d'ouvrier et qui a bossé dans le nucléaire crève, j'men fous. Puis eux n'ont absolument aucune morale.

Le problème c'est l'efficacité. On savait ce qui allait se passer et on savait comment ça allait se finir. Parce que rentrer dans ce genre de dynamique à ce moment précis, ça ne peut que finir comme ça et tu ne peux que te faire gauler et être isolé.

Alors que quand ça se passe dans une période socialement explosive c'est à dire insurrectionnelle, ce n'est pas la même chose. A ce moment-là, tu t’appuies sur des bases réelles qui existent, il y a un mouvement social. Je sais qu'avec Jean-Marc et d'autres, on n’est pas d'accord sur ce point, moi je donne mon point de vue et encore une fois peu importe si on avait raison ou tort.

Je tiens à rappeler qu’on s’est fait gauler parce qu'on a commencé à manquer d'une extrême prudence. On a commencé à aller dans les bars, c'était quasiment des boites de nuits. On s’est aperçus après que les jolies nanas qui nous draguaient c'était des flics. On s'en doutait en plus, j'me souviens d'un copain qui disait « il suffirait qu’ils nous mettent une jolie nana entre les bras dans une soirée et on va tous tomber comme des mouches » il n'avait pas tort. Enfin, j'dis pas qu'on a couché avec ces nanas.

On a manqué de prudence et on en avait marre de cette vie semi-clandestine, on aurait dû partir trois mois avant. C'était clair.

Il est important de dire ce que l’ennemi en face a été capable de faire et a pu faire. Des saloperies ils en ont faites. Quand je raconte, on me dit « du coup s’ils n'avaient pas fait ça, vous ne seriez pas aller jusque-là ? » Non, non, non ! Je ne suis pas complotiste ou sanguinétiste en disant que c'est l'état qui manipule. Non, on aurait fait la même chose, peut-être de façon différente mais je montre simplement ce que les flics étaient capable de faire.

Ils nous ont monté de ces trucs, après on nous reproche d'avoir était naïf, mais s'ils avaient vécu les infiltrations, etc... Je ne veux pas créer la parano mais en face, l'état à des armes. Et l'état n'est pas monolithique, les services de polices ne sont pas monolithiques. Les RG de Pochon, ce n’était pas toutes les polices. Eux aussi ils ont des idéologies.

Le mec qui nous a balancé, c'est lui qui nous a poussé à aller chercher de la dynamite dans une communauté de l'Ariège. Pour moi c'est clair et net. Les flics nous ont niqués par l’intermédiaire de ce mec.

Il faut dire qu'à l'époque, pas mal de flics avaient les boules contre nous. On s’est fait arrêter et les gardes à vue il y en a eu un paquet. Et certaines, j'me souviens, avec Jean-Marc on était 7 ou 8, les preuves, ils les avaient quasi, reconnu par témoin, etc. et puis ils nous relâchent. J'revois encore la gueule du commissaire de police, gris comme de la cendre « foutez les dehors », il y en avait qui avaient la banane.

On pensait à l'époque que le mouvement autonome était puissant. Non ! C'était un coup de téléphone du ministère et ça j'en suis sûr.

J'ai rencontré (au début je pensais que j'étais le seul, mais non, ils rencontraient du monde dans toute la France), quand Mitterrand est passé, des représentants du haut niveau du gouvernement qui ont négocié aussi bien avec les Basques, les Corses qu'avec nous. Ils ont proposé des trucs qu'on a refusé quasiment tous sauf peut-être 1 ou 2.

Il y en a un qui dit qu'il n'a pas refusé qui était au GARI qui a écrit « Comme un chat », Foréal Cuadrado. S'il assume avoir bossé avec les flics, il l'assume.

Ils nous ont même proposé des trucs du genre « éventuellement on ferme les yeux si vous nous donnez un coup de main sur l'extrême droite »... En gros ils nous proposaient d'être des portes flingues, des barbouzes. J’ai assisté à ça lors d’un repas chez un mec, un procureur. Je sais qu'il a rencontré des gens de l'ETA, je le sais.

Ils s'adressaient à des gens de l'extrême gauche parce qu'ils avaient peur de l'extrême droite et qu'ils voulaient nous neutraliser. Je peux dire non pas qu'on pouvait mais faire ce que l'on voulait que réellement l'état français a fermé les yeux sur des trucs qu'on a pu faire.

Mitterrand à amnistié tous les prisonniers politiques, on s’était battus pour ça aussi, et c'est là que je l'ai rencontré. La première fois en Espagne et la seconde en France. Nous notre truc c'était de relâcher tous les prisonniers politique, que ce soit les gens d'AD, des GARI, des basques...

Mais il négociait avec les autres. Première des choses, vous amnistiez le plus large possible et après on verra. Mais bon, ils ont fini par nous gauler, parce que c'est l'état et que l'état est puissant.

Réflexions personnelles

Symbole et Martyr ?

Le côté martyr j'ai horreur de ça. Mais très honnêtement, moi aussi je fonctionne avec. Ça me fait chier, mais je ne m’absous pas de ça. Je n'aime pas les stars, je n'aime pas les martyrs mais je fonctionne pareil. Quand tu me parles du Che, j'étais ado, c'était une image. L'image du Che, sur son lit de mort, c'est tellement Judéo-chrétien, on dirait le Christ, sans blague. Les yeux à moitié ouverts, un sourire, la barbe, pour moi c'est un martyr. Mais c'est un individu quand tu lis l'histoire, il tuait, il buvait, il était grossier mais il n'était pas con et il se battait et il a été au bout.

Tu vas toujours aux manifs ?

Oui, j'y vais à chaque fois que je peux, je fais acte de présence. Sans me faire beaucoup d'illusions. Très honnêtement, ça me fout plus les boules qu'autres chose. Parce que c'est des traîne-savates. Entendre « Macron t'es foutu, la jeunesse est dans la rue ». Franchement, c'est de la rigolade.

C'est comme les manifs de la SNCF, «grève perlée », qu’ils se les carrent dans le cul leur perles. Il faut arrêter ! Tu fais une grève ou tu ne la fais pas.

J'entends des gens qui disent « on nous prend en otage ». A des moments j'ai envie de leur filer des baffes aux gens en disant « mais arrête de geindre, tu te révoltes ou tu restes chez toi au lit et tu profites, ton patron ne te paiera pas mais au moins fais la sieste. ».

Une grève perlée, mais qu'est-ce qu'on en a à foutre ? La seule grève efficace c'est la grève illimitée et la grève générale c'est tout. Le capital ne comprend rien d'autre que le rapport de force, le reste c'est du pipeau. Et le rapport de force, ce n'est pas « je voudrais ça », non, c'est je veux ça et je le prends. On ne va pas me faire croire que ces gens-là n'ont pas compris qu'ils vont perdre. Ils le savent, les plus responsables, c'est eux.

Quand j’entends dire, « on a perdu », non, on n'a pas perdu, on n'a pas gagné, ce n'est pas la même chose. On a fait ce que l'on croyait être juste. On a pris des risques, on est allés en taule (Jean-Marc énormément, moi beaucoup moins), on a pensé qu'on arriverait à quelque chose, on n’a pas perdu, on a l'état en face de nous, il ne faut pas déconner.

Par contre les vrais salopards, ce sont les syndicats et les dirigeants syndicalistes, ça oui, eux ils ont perdu volontairement et le sachant dès le début. Parce que faire des grèves perlées, ils se foutent de la gueule du monde. Ils avaient réussi à négocier que les ancien gardent le statut SNCF, qu'est-ce qu'il leur fait le Guillaume Pepy ? Il leur en fourre une bonne « ha bé non finalement, ce serait trop injuste par rapport aux nouveaux, du coup on va tout vous supprimer ». Les autres ils gueulent maintenant.

Tu fais une grève, tu ne t’arrête pas. C'est clair et net ou alors, si les gens ont peur de se faire virer, tu fais du sabotage. C'est pas compliqué du sabotage, tu n'as pas besoin de revendiquer. Tu fous un grain de sable dans la machine et c'est tout. Ça va les faire chier.

Quand je vois toutes ces manif, moi je continue à y aller, ouais, c'est une de plus, quand ils comptent les gens et qu'ils divisent par deux, ça fait toujours une personne en plus. Mais pfff... j'me pose des questions. J'entends dire que les manifs sont violentes, mais sérieux. C’est hallucinant. C'est la propagande médiatique parce qu'étatique... de mon point de vue, l'état a cessé d'exister en France et dans les pays occidentaux.

C'est à dire que les gens de l'état, ne sont plus des gens issu de l'état comme ce devrait être le cas ( je ne sais même pas si je suis pour ou contre l'état, je ne sais même pas si je suis anar ou coco, j'en ai rien à foutre si on arrive à le foutre en l'air je choisirai à ce moment-là) mais l'état tel qu'il a été jusqu’aux années Mitterrand, (c'est là que ça a commencé à changer) de droite comme de gauche, c'était des individus qui étaient au service de la collectivité (même en faisant des saloperies et en se faisant bouffer petit à petit), donc des hauts fonctionnaires. L'ENA à été créé pour ça. Pour que les intérêts privés ne puissent pas se mêler des intérêts de l'état.

Aujourd'hui, la plupart (je n'ai pas de pourcentage précis mais au moins les ¾) des hauts fonctionnaires de l'état français sont issus de la finance et du privé et vont y retourner. Donc quand tu veux faire réguler quelque chose, tu ne peux pas. Tu ne vas pas demander à un banquier de réguler les banques or qui on a à la tête de l'état, c'est un banquier. Macron il n'était pas derrière un guichet il ne faut pas rêver. C'est un banquier actionnaire. Le ministre des finances actuel, tout son staff est issu de la finance. Mais ils sont là pourquoi ? De ce point de vue l'état a disparu et tout est privatisé. C'est de l'escroquerie.

Les gens qui ont voté Macron pour faire barrage au Front National, on leur a fait le coup avec le père, il faut arrêter les conneries. Que les gens arrêtent de voter tout simplement.

C'est fabuleux, au Brésil, l'autre Jair Bolsonaro au 1er tour il fait 46%, résultat, le lendemain même, la bourse à São Polo grimpe de 6 points. Les financiers ont choisi leur camp, c'est clair et net.

​Comme je l'ai dit dans une interview, « Entre aller tuer Pinochet et un petit facho de banlieue, tuer Pinochet (enfin, il est mort maintenant), ça ne me poserait aucun problème de conscience ». Ce serait avec plaisir, mais le petit con facho de banlieue c'est un petit connard. Je ne sais plus qui disait ça, Senghor je crois « Les racistes sont des gens qui se trompent de colère ». Le problème c'est que quand ils vont péter la gueule à un arabe ou à un noir tant pis pour eux, à ce moment-là, ce sont des ennemis. Il faut qu'ils réfléchissent un peu. Parmi les identitaires, il n'y en a pas beaucoup qui vont devenir de grand dictateurs, ils vont devenir de grands cons pour la plupart. C'est des crétins, les racistes, quelque soit la raison.

Comment tu vois la jeunesse ?

Je n'ai aucune critique. Si tu parles de La jeunesse de manière générale, il y en a peu d'actifs, il y a beaucoup de consommateurs, maintenant si tu parles de la jeunesse radicale ou révoltée, j'ai beaucoup de sympathie évidement. Ceux qui se bougent le cul dans les manifs, les Black Bloc, évidemment j'ai beaucoup de sympathie pour eux. Maintenant, l'avenir du monde... j'ai l'impression qu'il y a une logique à l'histoire, qu'il faut continuer à se battre, mais j'ai le sentiment que ça va être très très dur.

Il nous a bien roulés dans la farine le salopard, enfin, on s’est laissé rouler. En même temps c'est assez compliqué d'être en permanence sur ses gardes. Je pense que la vie d'un militant, c'est la vie tout court. Après, la clandestinité, ça oblige à adopter... ça coule tellement de source. Tu ne te poses pas de questions et ceux qui se posaient des questions, qui ne voulaient pas passer à autre chose ou à qui ça faisait peur, ou encore ceux qui pensaient que ce n'était pas bien se sont retirés et ils ont bien fait. Ils ont eu raison. Encore une fois, si tu ne le sens pas, tu ne le fais pas.

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(Détournement de photo - Michel et Jean-Marc – 19xx...)

 

J'la trouve rigolote cette photo. Ça prouve qu'en même temps on ne se prenait pas au sérieux. Tu es sérieux quand tu fais les choses, mais après voilà. Heureusement que ça existe la dérision, d'autant plus l'autodérision, sinon on ne s'en sort pas.

Tu n’as jamais écrit ?

On me demande d'écrire sur notre histoire. Je n’ai pas le temps et même si j'avais le temps je crois que je raconterais essentiellement des anecdotes. J'aime bien rire et j'ai de très bon souvenirs et je trouve que c'est aussi important. Mais il peut y avoir le côté dangereux ou l'on pourrait penser que nous étions une bande de guignols qui s'amusait. Ce n'est pas que ça mais il ne faut pas virer ça de la vie. Ça fait du bien de rire. On a eu la trouille et c'est après que tu rigoles en te disant que c'était chouette ce truc-là. Ça fait partie de la vie, le plaisir d'abattre ce monde qui nous fait chier, évidemment tu prends du plaisir, sinon je ne pourrais pas me faire chier encore plus que ce que le monde nous fait chier.

Tout dépend de la période que tu vis, l'histoire évolue. Comme disait Lénine, elle bégaie.

Vivre en France, ce n'était pas la même chose que vivre sous Franco. La réalité sociale, la répression, c'était autre chose. Nous on a quand même vécu une période, on ne va pas se plaindre non plus. Je ne fais pas l'apologie du capitalisme à l'occidental, je dis simplement qu'on ne peut pas comparer la France en 74-75, avec le Chili de Pinochet, forcément tu ne vis pas la même chose. Je ne peux pas la comparer avec l'occupation nazi, ce n'est pas possible.

Je pense qu'il y a certaines périodes ou les résistant, les combattants, les révolutionnaires ont été et serons confrontés à des situations beaucoup plus dures et difficiles que ce que l'on a vécu, et peut-être qu'ils auront moins envie de rire. Et encore, je n'en suis pas sûr.

Pour moi, la meilleure période, c'était l'époque des GARI. Ouais !, On était jeunes et on aimait rigoler. Mais c'était carré.

C'était simple, quasi simpliste, il y avait le bien/le mal. Je ne suis pas manichéen mais on se battait contre une dictature. Tu luttes contre un ennemi et les démocrates ne vont pas te cracher à la gueule, où alors ils vont avoir du mal.

Qu'as-tu fais après ta sortie de prison en 85 ?

Après 85, J'étais avec..., (on a même été marié) avec une... qui était à AD. Elle était très très malade, donc je me suis pas mal occupé d'elle. Elle en est morte depuis... J'ai eu quelques gardes à vues, ils avaient décidé de me faire chier. Après j'ai bossé, j'ai fait relieur, j'ai fait peintre, des tas de boulots... des manifs, des trucs...

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